Soutenez

3000 jeunes autochtones sont morts en pensionnat

TORONTO – Au moins 3000 enfants sont morts alors qu’ils se trouvaient dans des pensionnats autochtones au Canada, selon une enquête inédite dont La Presse Canadienne a obtenu copie.

Bien qu’il était connu depuis longtemps que des jeunes autochtones étaient morts dans ces pensionnats, il s’agit de la première fois que ces décès sont quantifiés à la suite d’une analyse systématique d’archives des gouvernements, d’écoles et d’autres sources.

«Il s’agit de chiffres réels et confirmés», a déclaré à La Presse Canadienne le gestionnaire de recherche Alex Maass, du Missing Children Project, depuis Vancouver.

«Chaque mort est confirmée par une documentation de première main, indiquant qu’il y a eu décès, le lieu et le moment où elle survenue et les circonstances», a-t-il précisé.

Le nombre de 3000 pourrait s’accroître à mesure que de nouveaux documents d’archives, notamment de sources gouvernementales, sont analysés.

La cause première de décès — et de loin — fut la maladie.

Durant des décennies, à compter d’environ 1910, la tuberculose a fait les plus importants ravages, notamment en raison de l’ignorance sur la manière dont les maladies étaient transmises.

«Les écoles étaient un lieu particulièrement propice à la transmission de la tuberculose, a expliqué M. Maass. Les dortoirs servaient d’incubateurs.»

L’épidémie de grippe espagnole en 1918-1919 a également fait des ravages au sein de la population étudiante ainsi que parmi les employés. Dans un épisode de trois mois particulièrement macabre dans un pensionnat de Spanish, en Ontario, 20 enfants sont décédés, selon les archives.

Bien que l’analyse statistique reste à faire, les documents montrent également que des enfants sont morts de malnutrition et d’accidents. Les incendies étaient fréquents, décimant tant les élèves que le personnel. Les noyades ou l’exposition au froid étaient d’autres causes fréquentes de décès.

En tout, quelque 150 000 enfants autochtones ont subi les affres du système de pensionnats, établi et géré par l’Église dans les années 1870 et en vigueur jusqu’aux années 1990. Dans plusieurs cas, les jeunes autochtones étaient forcés de s’y trouver en vertu d’une politique fédérale visant délibérément à «civiliser» les peuples autochtones.

Plusieurs étudiants y furent agressés sexuellement, physiquement et psychologiquement. De nombreux jeunes se sont suicidés alors que d’autres sont morts en fuyant leur pensionnat.

Un de ces épisodes d’une tristesse inouïe avait, pour une rare fois, attiré l’attention des médias en 1937 alors que les corps de quatre garçons, âgés de 8 et 9 ans, avaient été trouvés gelés ensemble dans de la glace mouillée sur le lac Fraser alors qu’ils se trouvaient à moins d’un kilomètre de chez eux après avoir fui leur pensionnat.

Une enquête du coroner avait par la suite recommandé que l’on «limite» la «discipline corporelle excessive».

Selon les archives, le nombre de décès n’a chuté considérablement qu’après les années 1950, bien que certaines morts soient survenues jusque dans les années 1970.

«La question que je me pose est la suivante: est-ce que j’enverrais mon enfant dans une école privée où il y a eu ne serait-ce qu’un ou deux décès l’année précédente sans y regarder de plus près?» s’est interrogé Alex Maass.

«On ne s’attend pas, normalement, à des morts dans un pensionnat privé.»

Sauf que, dans les pensionnats autochtones, la mort était une réalité telle que les plans d’architectes de plusieurs d’entre eux comprenaient des cimetières qui étaient aménagées avant même la construction de l’édifice.

Alex Maass, qui a une formation d’archéologue, a indiqué que les chercheurs ont identifié 50 sites d’inhumation en marge du projet.

Environ 500 victimes ne sont toujours pas identifiées. L’information entourant leur décès, basée sur les informations des directeurs de pensionnats, se trouvait dans les rapports annuels du ministère des Affaires autochtones.

Les rapport annuels de décès ont été faits de manière systématique jusqu’en 1917, année où on y a abruptement mis un terme.

Selon M. Maass, il est évident qu’on a décidé en toute connaissance de cause de cesser de rapporter ces décès.

Dans les années 1990, des milliers de victimes ont poursuivi les communautés religieuses qui dirigeaient les 140 pensionnats ainsi que le gouvernement du Canada. Une entente de 1,9 milliard $ conclue en 2007 a mis un terme aux poursuites, entraîné des excuses du premier ministre Stephen Harper et la mise sur pied de la Commission de vérité et réconciliation.

Les enquêteurs, qui agissaient pour le compte de la Commission, ont passé au peigne fin plus d’un million de documents gouvernementaux et d’autres archives.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.