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Immigration ≠ marchandise

Dalila Awada
Photo: Métro

Lors de la campagne électorale de 2018, la CAQ avait tôt fait d’afficher ses couleurs au sujet de l’immigration. Les propos de François Legault adressés au Conseil du patronat du Québec n’étaient en ce sens guère surprenants : « À chaque fois que je rentre un immigrant qui gagne moins de 56000$, j’empire mon problème. À chaque fois que je rentre un immigrant qui gagne plus de 56000$, j’améliore ma situation. »

Le propos est réducteur, la tournure de phrase paternaliste.

L’immigration considérée sous l’angle de l’utilité est une approche dominante en politique comme dans les affaires, et celle-ci contribue à la déshumanisation des personnes migrantes, perçues essentiellement comme de la main-d’œuvre. Ce mot en vient à évoquer une masse indistincte de gens qui ne sont là que pour se soumettre aux besoins du marché du travail.

Au lieu de se borner à établir quelle catégorie et quel pourcentage d’immigration sont économiquement profitables, ou nuisibles, pour le Québec, ne devrait-on pas aussi rappeler qu’ici on bénéficie amplement des inégalités entre les populations du Nord et celles du Sud ? Les pays dits développés s’enrichissent depuis belle lurette au détriment des pays dits en développement. On est loin du compte en matière de réciprocité.

En avril, la ministre Nadine Girault affirmait : «Ce qu’on veut faire au Québec, c’est vraiment répondre aux besoins économiques du Québec.» Alors qu’il y a tant d’autres choses qui devraient inciter un pays à recevoir des immigrant.es. Des choses qui ne sont pas directement monnayables. La solidarité, la justice, la vivification culturelle et sociale.

S’en tenir à de froids calculs et fixer à la baisse ou à la hausse le seuil d’immigration strictement selon les aléas du marché du travail, c’est réduire cet enjeu à des considérations techniques alors qu’il nécessiterait beaucoup, beaucoup, plus d’humanité et de souplesse. C’est comme si le gouvernement perdait de vue que, pour la plupart des gens, quitter un pays pour s’installer ailleurs n’est pas une banale option parmi d’autres dans un parcours de vie. Frayeurs et déchirements traversent sou- vent la démarche.

Le reste du propos de François Legault fait aussi grincer des dents : « […] Si, à chaque fois qu’on rentre un immigrant économique, le fédéral nous oblige à rentrer un réfugié ou une réunification familiale, là, on va avoir de la difficulté à aller chercher les bonnes personnes. »

On jurerait entendre le contremaître d’un entrepôt plutôt que le premier ministre d’une nation.

Puis on en comprend que les personnes qu’on doit accueillir sont celles dont veut le capital. On n’a pas besoin d’être pour l’abolition des frontières pour trouver cette vision particulièrement aride.

D’ailleurs, selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, sur les 80 millions de personnes déplacées dans le monde 85% se trouvent dans des pays considérés en développement et seuls 15% des personnes réfugiées sont reçues par les pays riches du Nord. Bien des politiciens dans notre coin du globe donnent pourtant l’impression qu’on fait notre part. Et avec la montée des courants anti-immigration (et malgré ce qu’on nous répète comme un slogan), les pays riches tendent à ressembler davantage à des « gated communities » qu’à des terres d’accueil salvatrices.

L’approche déshumanisante de la CAQ en matière d’immigration nous tire vers le bas.

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