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Cri du coeur des orthophonistes en milieu scolaire au Québec

Photo: Getty Images/iStockphoto

Une soixantaine d’orthophonistes demandent au gouvernement de limiter l’utilisation de services privés par les centres de services scolaires. Du même souffle, elles dénoncent leurs conditions de travail, notamment les horaires et le salaire.

Dans l’éventualité où les écoles seraient incapables de fournir des services d’orthophonie, elles doivent se tourner vers le privé. C’est la consigne donnée au début d’octobre par le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, aux centres de service scolaires de la province.

Le problème est que la pratique d’orthophonie en milieu scolaire «n’est pas interchangeable avec celle des secteurs privés ou de la santé», plaident les orthophonistes dans une lettre expédiée au ministre de la Santé et obtenue par Métro. Les orthophonistes dans les écoles offrent des interventions adaptées en milieu scolaire, ce qui n’est pas nécessairement le cas au privé, plaide-t-on.

«Est-ce que vous demanderiez à un médecin cardiologue d’interchanger sa pratique avec celle d’un médecin gastroentérologue en vous fiant sur le simple fait que les deux sont des médecins?, demande-t-on. Si cette image vous semble ridicule et impossible, c’est parce que vous savez que les deux médecins ont des champs de pratique qui sont différents. Il en est de même avec les orthophonistes en scolaire et celles œuvrant en clinique privée.»

Solution temporaire

Le recours au privé en orthophonie est une solution insoutenable à long terme, affirme le président de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ), Paul-André Gallant. «La pratique en milieu scolaire est trop spécifique pour être remplacée par le privé, soutient-il. Par contre, avec les besoins de service qui sont criants, c’est un solution à court terme, un pansement sur un bobo qui est beaucoup plus grand».

Cette solution temporaire pourrait résulter en une exode des orthophonistes vers le milieu privé, craint-il. «C’est une situation qui est exacerbée par le nombre d’enfants grandissant qui ont des besoins de services. Depuis un an, on constate un découragement. Si on veut fidéliser nos orthophonistes, le gouvernement devra se pencher sur plusieurs problèmes».

D’ailleurs, l’ordre est en «dialogue constant» avec le Ministère afin d’assurer la fidélisation des orthophonistes et s’assurer que les services adéquats puissent être rendus dans les milieux scolaires. Le problème remonte à lontemps, puisque l’orthophonie est considérée comme un «service complémentaire» par le ministère de l’Éducation. L’OOAQ s’oppose d’ailleurs à cette définition.

«Si on est complémentaire, ça veut dire qu’on est pas nécessaire, qu’on peut être remplacé. Ce qui est déjà problématique. Si on nous jugeait nécessaire, déjà, on pourrait avoir une orthophoniste par école», affirme M. Gallant

Choix difficiles

La solution passe donc par la valorisation de la profession et l’amélioration des conditions de travail, estime-t-il. Le mode de financement des services doit également être revu.

Grosso modo, des budgets sont alloués aux centres de service scolaires en fonction de «cotes administratives». Ces enveloppes sont allouées selon les besoins des élèves, estimés à la suite de diagnostics qui peuvent prendre plusieurs semaines, «voire des mois à établir».

«Pendant qu’elles font ça, les orthophonistes ne répondent pas aux besoins des enfants», détaille M. Gallant.

Cette façon de fonctionner minimise aussi l’attention portée à la prévention des troubles de langage, soutient l’une des orthophonistes signataire de la lettre, Jeanne Burger. «Plus il y a d’enfants dans le besoin, plus on peut accorder de services, explique-t-elle. Mais la logique clinique, c’est qu’il y ait de moins en moins d’élèves qui se retrouvent en grande difficulté, qu’on agisse plus en prévention. Malheureusement, on a pas l’argent pour le faire à cause de cette drôle de logique».

Sur le terrain, les besoins s’avèrent plus grands que les ressources disponibles, ce qui mène les orthophonistes à prioriser certains élèves. «On aimerait aider tout le monde, mais on ne peut pas le faire, se désole l’orthophoniste Isabelle St-Amour, également signataire de la lettre. Ça pèse fort sur notre moral : les professeurs viennent nous voir pour qu’on aide certains élèves, mais on doit refuser, parce qu’on ne peut pas faire de miracles…».

Plusieurs de leurs collègues quittent le milieu scolaire, constatent-elles. «On regrette notre choix de métier parfois, avoue Mme St-Amour. Au niveau des conditions de travail, il aurait été avantageux de devenir orthopédagogue, par exemple. Et on a l’impression de ne jamais pouvoir aller au bout de nos projets.»

Au Québec, le salaire horaire des orthophonistes commence à 23,90$. Une maîtrise est nécessaire pour décrocher un emploi dans ce domaine.

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