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Des milliers d'autochtones sont toujours absents du recensement canadien

Par Sue Bailey, LA PRESSE CANADIENNE

OTTAWA – Même si les autochtones ont été plus nombreux que jamais à accepter de participer au recensement en 2006, plusieurs des réserves les plus populeuses au Canada ont néanmoins été écartées dans le processus.

Statistiques Canada dévoilera mardi ses données sur le nombre de personnes identifiées comme faisant partie des Premières Nations, soit les Amérindiens, les Métis et les Inuits. Il s’agit du premier de quatre rapports qui seront rendus publics cette année et qui aborderont des thèmes allant de l’éducation des autochtones à leur revenu, en passant par leur travail.

Bien que la participation des autochtones ait progressé au fil des ans, des milliers d’entre eux ne sont toujours pas pris en compte parce qu’ils sont sans-logis, en prison ou qu’ils ont refusé de collaborer.

Le chef de Kanesatake, Clarence Simon, explique que si sa localité fait partie du groupe des 22 territoires autochtones qui ne sont pas inclues dans le recensement, c’est parce que son peuple ne se considère pas comme des Canadiens, mais bien des Amérindiens.

« Nous ne sommes pas des citoyens canadiens », affirme-t-il, ajoutant que les fonctionnaires de Statistiques Canada devraient pouvoir comprendre cela.

Des données précises sont importantes pour permettre le financement fédéral pour le logement, la santé, l’éducation et les services sociaux prévus dans les traités.

Or, plusieurs bandes à court d’argent sont méfiantes quant à l’usage possible des données recueillies. Ils avancent par ailleurs que le ministère des Affaires indiennes collecte de toute façon des données sur ses membres annuellement.

« Le conseil a des choses beaucoup plus urgentes à faire », soutient le chef du territoire mohawk de Tyendinaga à l’ouest de Kingston, en Ontario, Don Maracle.

Il cite notamment les litiges sur les frontières, les problèmes liés à l’eau non-potable et la pauvreté extrême en tant que priorités.

Selon la loi, toute personne qui refuse de remplir le formulaire du recensement est passible d’une amende de 500 $ ou de trois mois de prison.

Cinquante-deux cas avaient été référés au ministère de la Justice et sept personnes condamnées après le recensement de 2001.

Le directeur responsable du recensement de 2006 chez Statistiques Canada, Anil Arora, affirme que 98 pour cent des membres des Premières Nations collaborent. Son département préfère d’autre part privilégier le travail de proximité que la voie juridique.

Il assure que le personnel du recensement a déployé des efforts particuliers dans les refuges pour sans-abri, et que les personnes vivant dans des institutions telles que les prison sont comptées, bien que les informations spécifiques sur leur identité ne sont pas isolées.

Les techniques d’échantillonnage permettent de fournir de bon résultats, prétend M. Aurora.

« Nos estimés sont très robustes. »

A travers le Canada, la cueillette de données tente de dresser un portrait aussi fidèle que possible de la population du pays. Or, en dépit de l’embauche d’employés autochtones, les membres des Premières Nations sont de nouveau sous-estimés.

Avec ses 2000 membres, Kanesatake fait partie des territoires autochtones les moins populeux des 22 absents du recensement. Akwesasne et Kahnawake au Québec, Little Buffalo en Alberta, Esquimalt en Colombie-Britannique et les six nations de Grand River près de Brantford, en Ontario, en font également partie.

Des milliers d’autres n’ont pas été spécifiquement comptés en tant qu’autochtones, parce qu’ils n’avaient pas d’adresse permanente ou qu’ils étaient derrière les barreaux.

« Nous pensons qu’ils sont sévèrement sous-représentés, affirme Peter Dinsdale, directeur exécutif de l’Association nationale des centres d’amitié. Cela étant dit, ce sont tout de même les meilleurs chiffres que nous ayons eus jusqu’à présent. »

Le recensement parvient à atteindre de plus en plus de gens, croit Nancy Zukewich, de Statistiques Canada. Alors que les statistiques étaient incomplètes pour 77 territoires en 1996, ce chiffre est descendu à 30 en 2001.

« On ne frappe pas simplement à leur porte une fois tous les cinq ans, leur demandant de compléter le formulaire, explique Mme Zukewich en entrevue. Nous développons une relation durable avec les organismes autochtones et les communautés. »

Le groupe inuit Tapiriit Kanatami travaille de près avec Statistiques Canada.

« Les données du recensement ont servi de nombreuses causes, déclare le groupe dans un communiqué. Par exemple, des informations sur les maisons inuites surpeuplées ont été présentées au rapporteur spécial des Nations unies. »

Près de 1,3 million de personnes rapportaient avoir des origines autochtones en 2001, soit 4,4 pour cent de la population. La proportion était plutôt de 3,8 pour cent en 1996.

Tous ceux qui déclarent ces racines ne se considèrent pas nécessairement Amérindiens, Métis ou Inuits. Le recensement 2001 dénombrait 976 305 qui s’identifiaient à un de ces groupes ou plus, soit 22 pour cent de plus qu’en 1996.

Cette augmentation est en partie attribuable au taux de natalité des autochtones, 1,5 fois plus élevé que la moyenne nationale. Un autre facteur est que de se reconnaître comme tel est de plus en plus à la mode.

« Plus les gens sont fiers de leur origine autochtone, plus ils seront enclins à le rapporter », estime Dan Beavon, directeur de la recherche stratégique pour les Affaires indiennes.

« Après la Deuxième Guerre mondiale, la population allemande, selon le recensement, a pratiquement disparue. C’est simplement parce que les gens ne voulaient plus admettre qu’ils étaient Allemands. »

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