Jean Charest: Un virage à 90 degrés
On aurait aimé que Jean Charest fasse un virage à 180 degrés en déclenchant une véritable commission d’enquête publique sur la construction. Il se sera arrêté à 90 degrés.
Après un suspense interminable, les attentes auront été déçues. Au contraire de Bastatrache, on aura annoncé la bonne commission, le bon mandat avec la bonne commissaire… mais malheureusement sans les bons pouvoirs.
Les attentes étaient tellement élevées qu’en refusant de suivre les règles édictées dans la Loi sur les commissions d’enquête, Jean Charest prête flan à la critique et donne des poignées à tous ceux qui croient qu’il a quelque chose à cacher. Le comité, puisque c’est davantage de cela qu’il s’agit que d’une commission, qui sera présidé par la juge France Charbonneau, ne pourra contraindre personne à témoigner. Il sera ainsi difficile d’atteindre les objectifs sans tous les outils.
Pourtant, Jean Charest avait démontré sa capacité de s’élever à la hauteur de son rôle la journée où il a retenu la proposition de François Bonnardel d’entendre Jacques Duchesneau en commission parlementaire. L’exercice a été fait dans l’ordre et, à quelques exceptions près, sans trop de partisanerie. Le public en est sorti mieux informé, et l’exercice a été déterminant puisque, de l’aveu même du premier ministre, la rencontre du 27 septembre a permis de mettre au jour des constats troublants.
Avec l’annonce d’hier, le premier ministre ne s’est pas montré à la hauteur de sa fonction. Une loi régissant les commissions d’enquête publiques existe pour une raison bien évidente, et changer les règles en cours de route ne permet sûrement pas de régler le problème de confiance des citoyens envers leurs institutions.
D’ailleurs, les arguments avancés par le gouvernement ne tiennent pas. À un point tel que, comme le faisait remarquer Bernard Roy, un ancien procureur en chef de la Commission Gomery, les procureurs de la Couronne n’auraient pas demandé une commission d’enquête publique en 2009 s’il y avait eu un risque de limitation des poursuites. L’histoire prouve qu’il est possible de tenir ce genre d’audience et de traduire des gens en justice. L’un n’est pas incompatible avec l’autre, au contraire, car les différentes entités collaborent même ensemble.
Tout ce qui traîne se salit. Jean Charest aura attendu 927 jours avant de donner une pseudo-commission d’enquête à la population. Si un exercice pédagogique est nécessaire pour expliquer sa décision, comme l’a dit hier le ministre Yvon Vallières, c’est que le processus n’est pas clair. Sans pouvoir de contraindre les témoins, sans la capacité de produire un rapport qui recommande ou blâme, ce n’est pas avec cette décision que Jean Charest passera à l’histoire.
– Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.