Le burkini de la colère
La pudeur, comme l’amour, semble avoir ses raisons que la raison ne connaît pas. Et, comme pour l’amour, quand on s’intéresse à la pudeur des autres, on s’enfonce dans une vaine discussion à travers son chapeau.
On devient pudique, quoi, vers l’âge de huit ans? Les parents me corrigeront, mais moi, il me semble qu’en deuxième année je ne voulais plus prendre mon bain avec mon cousin et que j’ai été surprise quand, vers l’âge de 10 ans, des Françaises un peu plus vieilles que moi n’ont pas hésité à se promener toutes nues dans la maison. Au secondaire, j’allais me changer aux toilettes avant le cour d’éduc, une sorte de pudeur qui s’est estompée dans le vestiaire du CEPSUM, et qui ressurgit parfois quand je croise des clients, des collègues ou, pire, des lecteurs au gym. Il n’y a pas grand- chose de plus malaisant pour moi que de me retrouver suante en soutien-gorge devant quelqu’un qui a déjà commenté mes textes.
Pour le reste, bien que je me sois réjouie que les filles de New York puissent dorénavant se balader les seins nus dans la ville, moi, personnellement, je ne suis pas rendue là. J’ai été élevée dans une culture où tu caches tes seins, et je suis à l’aise dans ça. Mais la pudeur, c’est pas juste culturel, c’est surtout personnel.
Quand j’étais ado, l’été, autour de la piscine, tous les gars se mettaient en chest, sauf Max, le gars que toutes les filles trouvaient pourtant le plus cute. Fouillez-moi pourquoi, Max était le seul qui ne voulait pas enlever son chandail. On ne penserait jamais de dire que Max était soumis aux diktats de la pudeur, de la même façon que, si je me promenais en bikini sur une plage de Saint-Tropez, les autres filles ne me regarderaient pas avec le plus grand mépris du monde parce que je n’aurais pas comme elles les boules à l’air.
Une femme portant le burkini a répondu au mépris du maire Labeaume quant au port de cet «accoutrement», en indiquant à La Presse qu’«un homme qui oblige sa femme à porter le foulard ne la laissera pas partir à la piscine, même en burkini» et que «si une femme va à la piscine, ça veut dire que c’est elle qui a pris la décision». S’il existe une solution pour celles qui veulent se baigner sans montrer leur corps, grand bien leur fasse : c’est si agréable, se baigner.
Juger, mépriser, avoir pitié de ces femmes qui décident d’aller faire des longueurs dans une tenue qui leur convient, c’est surtout «flasher» sa condescendance. Et je ne vois pas ce qu’il y aurait de bien différent entre réglementer le port du burkini et mesurer la longueur des maillots, comme on l’a déjà fait dans une certaine piscine de Verdun. Parce que la pudeur, ce n’est ni bien ni mal, c’est juste vraiment très personnel.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.