Renaud Lachance s'interroge sur la culture de SNC
MONTRÉAL – Le commissaire Renaud Lachance s’est interrogé à voix haute sur la culture organisationnelle de SNC-Lavalin, jeudi à la Commission Charbonneau, après qu’un vice-président de la firme de génie-conseil eut admis avoir violé les règles de confidentialité, triché et modifié ses plans en s’inspirant de ceux du consortium rival pour le CUSM.
En fait, ce sont deux ingénieurs de SNC-Lavalin qui sont ainsi passés aux aveux, mais c’est le plus haut placé, Charles Chebl, vice-président directeur responsable de SNC-Lavalin Construction, qui a subi les foudres du commissaire Lachance.
M. Chebl et l’ingénieur sous sa responsabilité, Yves Gauthier, ont avoué s’être ainsi inspirés des plans préliminaires du consortium rival OHL-PCUSM, dont ils avaient obtenu copie. Les plans d’OHL-PCUSM avaient été jugés meilleurs au plan technique par le Centre universitaire de santé McGill.
Soudainement, les unités de soins en forme de D majuscule de SNC-Lavalin _GISM sont devenues des unités en V comme celles proposées par OHL-PCUSM.
M. Chebl a rejeté le blâme sur ses propres supérieurs, Riadh Ben Aïssa et Pierre Duhaime, ex-pdg de SNC-Lavalin. Les deux hommes font actuellement face à des accusations dans le dossier du CUSM. C’est M. Ben Aïssa qui lui a montré les plans du consortium rival, qu’il avait vraisemblablement obtenus d’un dirigeant du CUSM.
«Un moment donné, j’ai été convoqué par Pierre Duhaime et M. Ben Aïssa au 21e étage. Là, on m’a sermonné parce que je n’ai pas mis des croquis dans la réponse. On m’a demandé, on m’a instruit de mettre un croquis tout de suite puis de l’inclure dans la lettre d’engagement. Je n’ai pas eu le choix», a-t-il relaté.
M. Chebl a soutenu qu’il a été «forcé» d’agir ainsi par ses patrons, bien qu’il était «mal à l’aise». «Quand j’ai eu accès à ces dessins-là, je ne voulais absolument rien faire avec ça.»
Il a aussi dû admettre avoir rencontré un dirigeant du CUSM, alors que le gagnant de l’appel d’offres n’était pas encore annoncé _ ce qui est en contravention des règles d’équité du processus. Or, c’était lui le représentant du consortium SNC-Lavalin_GISM qui était responsable du respect des règles.
C’est ce qui a fait sortir le commissaire Lachance de ses gonds.
«Ça ne soulève pas un problème de culture organisationnelle chez SNC-Lavalin. Là, on sait que tout le monde triche, vous notamment. Et pendant qu’on triche _ et c’est la haute direction, ce n’est pas juste les deux que vous avez mentionnés, ça vous inclut aussi _ il n’y a pas là un petit problème de culture dans l’organisation?» a tonné l’ancien vérificateur général du Québec.
M. Chebl a répondu que ce n’était pas la culture de SNC-Lavalin, que ce n’était l’oeuvre que de quelques individus.
«Dont vous!» lui a lancé le commissaire Lachance, outré.
M. Lachance a souligné qu’il avait même été promu par SNC-Lavalin depuis cet épisode de tricherie et de violation des règles. «Vous avez été nommé vice-président par la suite, après que vous ayez consciemment triché dans un processus sur un contrat aussi important. Au lieu de vous sanctionner _ et on aurait pu le faire de différentes façons _ on vous donne une promotion. Et on sait très bien que vous avez triché dans ce dossier-là», a critiqué M. Lachance.
«Je vous invite à consulter mon c.v.», a simplement répondu le témoin, qui a aussi oeuvré en Algérie et en Haïti.
La juge France Charbonneau aussi l’a sérieusement sermonné, quand il a affirmé que SNC-Lavalin avait changé depuis.
«Vous y êtes toujours en tout cas!» lui a-t-elle lancé du tac au tac.
«J’ai exécuté», a riposté le témoin.
«Quand on vous demande de faire quelque chose d’illégal, vous le faites!» lui a encore lancé la juge Charbonneau.
Quant à l’ingénieur Yves Gauthier, il a à son tour indiqué que c’est sur ordre de son patron, M. Chebl, qu’il a dû procéder ainsi.
C’est le CUSM qui voulait que les plans soient améliorés, notamment pour réduire la distance entre les chambres et les postes des infirmières, a affirmé M. Gauthier. Il a donc modifié les plans de SNC-Lavalin_GISM en s’inspirant du concept d’unités de soins en V du consortium OHL-PCUSM.
Le contrat du CUSM est évalué à quelque 1,3 milliard $ et a été réalisé en partenariat public-privé.