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10 raisons de se méfier des sites de fausses nouvelles

Photo: Capture d'écran du site Daily Buzz

Satire ou fausse nouvelle? Plusieurs internautes se font avoir par des sites satiriques bien connus tels Le Navet ou La Pravda. Mais il existe une véritable industrie de sites de fausses nouvelles qui cherchent à propager des canulars dans le but d’attirer des clics. Métro a fait le point sur le phénomène.

La différence entre un site satirique et un site de fausses nouvelles peut être difficile à définir, admet Craig Silverman, créateur de Emergent.info. Le site vise à répertorier les fausses nouvelles et à mesurer leur impact sur les réseaux sociaux dans le cadre d’une étude du centre Tow pour le journalisme en ligne de l’Université Columbia. Si les sites satiriques publient eux aussi des faussetés, la différence est dans l’intention et le ton, selon lui.

«Un site comme The Onion [NDLR: un site satirique américain] déforme la nouvelle pour offrir un commentaire sur la société, pour mettre un doigt sur des problèmes sociaux en utilisant la satire comme porte d’entrée. Ils utilisent beaucoup l’exagération et l’hyperbole, lance-t-il. Les créateurs de sites de fausses nouvelles pensent plutôt: « que pouvons-nous écrire pour que ça devienne viral? » Clairement, il y a des auteurs qui, pour toutes sortes de raisons – l’argent ou la notoriété, entre autres –, cherchent à tromper les gens.»

Et ça marche. Par exemple, un article qui annonçait la mort de l’acteur Macaulay Culkin (voir plus bas) la semaine dernière s’est mérité plus de 6 millions de partages sur Facebook. Selon une estimation rapide, proposée par Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), et vérifiée par Métro, l’article a potentiellement rapporté près de 360 000$ en revenus publicitaires aux créateurs du site.

ACTU - Fausses nouvelles - Spongebob
«L’émission Bob l’éponge retirée des ondes, l’acteur derrière le personnage accusé de pornographie juvénile». Cette fausse information a été publiée par le site Huzlers. Il y a peu d’évidence d’humour. Il a été partagé plus de 2 000 fois sur Facebook.

Mais est-ce légal de publier des faussetés sur internet pour profiter de la crédulité du public? En un mot, oui.

«Publier une fausse nouvelle n’est pas en soi un acte criminel au Canada, et l’est encore moins aux États-Unis, lance Alan Conter, professeur d’éthique en journalisme à l’Université Concordia. C’est peut-être moralement douteux de le faire, mais ce n’est pas illégal.»

De toute façon, selon lui, puisque ces sites se disent satiriques, ils sont protégés par les lois garantissant la liberté d’expression. En effet, la plupart des sites de fausses nouvelles visités par Métro affirment être satiriques, mais l’énoncé n’est pas toujours mis en évidence. «Plusieurs de ces sites sont en fait des parodies des médias de masse, juge par contre M. Conter. Même si le style est sec, c’est clair pour quelconque journaliste que c’est une blague.»

Pour Jean-Hugues Roy, même si la satire ne saute pas aux yeux en visitant un site de fausses nouvelles comme the National Report, cela n’enlève pas de son côté satirique. «Il n’y pas d’humour évident au premier degré, mais au second degré, il y a certainement une critique des médias et de la société américaine», a-t-il fait savoir par courriel.

M. Silverman n’est pas d’accord. «Oui, d’une part, ces sites mettent le doigt sur de sérieuses failles dans la manière dont les médias traditionnels traitent des rumeurs. Les médias sérieux sautent souvent trop vite sur la nouvelle et la relatent sans que l’information ne soit vérifiée, expose-t-il. Mais contrairement aux sites [satiriques bien connus], les sites de fausses nouvelles n’ont aucune valeur sociale, aucun commentaire à apporter.»

«Quand on n’a pas à s’en tenir aux faits, il est facile d’inventer quelque chose qui va toucher une corde sensible et être partagé sur internet.» – Craig Silverman, créateur du site Emergent.info

Signe de la portée des sites de fausses nouvelles, les collègues de Métro en Suède ont mis sur pied un bureau dédié à la vérification des rumeurs sur internet. Le co-créateur de Viralgranskaren (l’investigateur viral), Jack Werner, en lice pour un prix d’innovation de l’année en journalisme suédois, reconnaît qu’il est difficile de se battre contre la propagation des fausses nouvelles.

«Si tu utilises les médias sociaux pour partager un truc, tu as accès à un média de masse, et tu dois accepter les responsabilités qui viennent avec ce rôle, parce que les rumeurs peuvent avoir de sérieuses conséquences, pense-t-il. Traditionnellement, les gens sont habitués à ce que les journalistes vérifient l’information, mais sur Facebook, l’information n’a pas cet encadrement; il faut apprendre aux gens à faire attention.»

M. Silverman abonde en ce sens, arguant qu’il existe peu de moyens de contrer l’influence des sites fautifs, autre que de prévenir le partage de leurs articles sur le web. «Les créateurs de ces sites n’ont aucune politique en terme d’éthique, ils ne font partie d’aucune structure qui peut les blâmer. La seule manière de les arrêter est de leur enlever leurs sources d’oxygène: les partages sur les médias sociaux et leurs revenus publicitaires», pense-t-il. Il serait envisageable, selon lui, pour les annonceurs d’exiger que leurs publicités n’apparaissent pas sur des sites du genre.

Même son de cloche chez Alan Conter. «Les médias traditionnels et les journalistes sérieux peuvent faire l’objet de plaintes au conseil de presse ou peuvent même se faire retirer leur accréditation de journaliste, mais une personne qui est tout simplement assise dans une pièce à inventer des fausses nouvelles n’a pas besoin d’accréditation, donc ça a peu d’importance pour elle», croit-il.

Exemple de nouvelle satirique

ACTU - Fausses nouvelles - Moisissures
Cet article, paru sur Le Navet, exagère de manière humoristique les problèmes de moisissures dans certaines écoles montréalaises.

Exemple de fausse nouvelle

ACTU - Fausses nouvelles - Macaulay Caulkin

«Alerte: l’acteur Macaulay Culkin retrouvé mort à 34 ans». Cette fausse nouvelle a été partagée plus de 6 millions de fois sur Facebook.

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