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Ésimésac et l’allégorie du capitalisme

Photo: Alliance films

Ésimésac, le troisième long métrage de Luc Picard, arrive enfin sur nos écrans. Réflexion sur une histoire signée Fred Pellerin, où l’intérêt de l’un affronte le bien de tous, sur fond d’ego et de fantaisie poétique.

«Le film, c’est Mitt Romney contre Barack Obama. Le communautaire contre le financier», lance tout de go Gildor Roy lorsqu’on lui demande si on peut établir un parallèle entre Ésimésac et l’actualité.

En effet, tout comme nos voisins du sud – notamment dans le débat qui les divise au sujet de l’assurance maladie publique ou privée –, les habitants de Saint-Élie-de-Caxton doivent faire un choix : travailler pour un patron, qui les assure que le chemin de fer leur apportera richesse et opulence, ou unir leurs forces afin de cultiver un jardin communautaire qui leur permettrait de vaincre la famine imputable à la crise économique.

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En sous-thèmes, on trouve une réflexion sur l’ego, illustrée par la métaphorique ombre (ou son absence) d’Ésimésac, le nouvel homme fort du village, ainsi qu’une inévitable confrontation entre les valeurs établies et celles de la modernité. Cette dernière est incarnée par l’avènement de l’éventuel chemin de fer au village. «Je pense que la plus grande difficulté de mon rôle, explique Gildor Roy, qui joue le premier homme fort du village, était de faire en sorte que mon personnage ne soit pas seulement méchant. Et cela, même s’il s’enrichit personnellement en raison de ses choix. Il demeure convaincu que ses décisions seront profitables au village.

Comme d’ailleurs beaucoup de partisans du Parti républicain aux États-Unis, qui sont persuadés que, si les riches sont exemptés de taxes, cela favorisera la création d’emplois. Un choix que nous avions également à faire au Québec aux dernières élections, mais que nous n’avons pas vraiment effectué», analyse l’acteur, qui soutient que l’image de Pauline Marois, comme celle de Romney, ne passe pas vraiment au sein de la population.

Parlant d’image, la transposition au cinéma de l’imaginaire surréaliste du célèbre conteur relève du défi, ce que Luc Picard – qui se sent attiré par l’univers de Pellerin en raison de l’espoir, de l’intelligence ainsi que de l’originalité du propos – a accepté encore une fois. Quelles sont les difficultés inhérentes à une telle transposition?

«Il faut reproduire les exigences de l’histoire, malgré le peu de moyens financiers. Par exemple, inventer un taureau géant qui attaque une église (Babine), mais aussi saisir la fantaisie de Fred, qui peut prendre plusieurs directions sur scène et établir un équilibre entre ce qui veut aller vers le ciel et le drame qui oriente l’histoire. Je dois donc imaginer une structure qui permettra au spectateur de voguer entre ces deux pôles», explique Picard, qui travaille déjà à l’écriture de son prochain film, très loin de l’univers de Pellerin : une histoire de meurtres qui se déroule à Montréal et dont les répercussions se font ressentir à Paris.

Le Québec en berne?
Et le «suicide municipal» à la fin d’Ésimésac, est-ce une illustration du Québec qui pourrait bientôt se faire happer (Harper?) par un train? «Le drapeau du Québec n’est pas là pour rien. Le propos est universel, mais les gens qui se trouvent ensemble sur la track de chemin de fer à la fin, c’est comme pour dire : ça passe ou ça casse. Ici comme ailleurs», soutient Luc Picard.

Un propos que ne renierait évidemment pas le conteur et scénariste du film, puisque Fred Pellerin semble avoir fait de la dénonciation du néolibéralisme le cheval de bataille qui sous-tend son œuvre. Et cela, tant par le conte qu’au cinéma. Comme en témoigne d’ailleurs la chanson fort éloquente de Richard Desjardins, Nous aurons, qu’il interprète en spectacle et qui conclut le long métrage.

Mais au-delà du message politique plus ou moins subliminal, que ressent-on lorsqu’on voit son propre imaginaire sur grand écran ? «Un peu freakant! C’est un peu comme si tu faisais un rêve et qu’on en parlait le lendemain matin dans le journal», explique Pellerin avant de s’enthousiasmer sur la rencontre que la matérialisation d’un univers fantasmé occasionne avec les créateurs, les comédiens et les autres fabricants de décors. «C’est comme du plaisir à plusieurs étages.»

Ésimésac
En salle dès le 30 novembre

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