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Les salles de spectacles indépendantes sur la corde raide

Sara Castonguay, programmatrice du cabaret Lion d'or.
Sara Castonguay, programmatrice du cabaret Lion d'or. Photo: Josie Desmarais/Métro

Entre leurs déboires financiers actuels, le coût des mesures sanitaires et la crainte d’une deuxième vague, les propriétaires de salles de spectacles indépendantes croisent les doigts pour survivre jusqu’à la découverte d’un vaccin à la COVID-19.

Selon une étude du regroupement des Scènes de musique alternatives du Québec (SMAQ), neuf établissements sur dix craignent de fermer leurs portes dans les six prochains mois.

Déjà, La Vitrola, sur le boulevard Saint-Laurent, a annoncé sa fermeture définitive, tout comme la Maison du jazz au centre-ville.

«Si on n’a pas une aide significative de la part des gouvernements, la plupart de nos salles vont fermer, tranche Jon Weisz, directeur du SMAQ. On essaie de rester optimiste, mais ça prendrait de l’aide plus significative pour que les salles survivent.»

En attendant l’aide des gouvernements et une embellie de la situation sanitaire, plusieurs salles ont choisi de fermer leurs portes jusqu’en 2021.

«Ça fait longtemps qu’on a fait une croix sur cette année, on essaie seulement de trouver des façons de survivre», résume Olivier Corbeil, co-propriétaire du théâtre Fairmount, du Bar Ritz PDB et du Newspeak.

Selon une évaluation optimiste, l’ancien membre du groupe The Stills entrevoit une réouverture en mars ou avril 2021. Le scénario pessimiste reporte la réouverture de ses établissements à l’automne 2021.

Les salles indépendantes présentent la grande majorité des spectacles au Canada. Sans elles, il n’y aurait pas de grands festivals ou de shows en aréna. Et les artistes ne seraient pas capables de gagner leur vie, puisque de nos jours, la majorité des leur revenus viennent de la tournée. -Jon Weisz, directeur des Scènes de musique alternatives du Québec (SMAQ)

D’autres salles ont plutôt ouvert dans une formule minimaliste puisque les rassemblements intérieurs sont toujours limités à 50 personnes.

«Ce n’est pas suffisant pour faire vivre une salle comme la nôtre, mais ça aide à payer les frais de base», explique Sara Castonguay, responsable de la programmation du Lion d’or, qui évalue à environ 20 000$ par mois le frais fixes de l’établissement en ce moment.

La salle de la rue Ontario a annulé plus de 200 événements depuis le début de la pandémie.

Elle reprend tranquillement vie avec les soirées d’humour Projets parallèles et des événements privés. Mais le retour à la vie normale (et à la stabilité financière) n’est pas pour demain.

«Je suis chanceuse, j’ai joué mes pions et je recommence à avoir de l’activité. Et ma salle existe depuis 35 ans, il y a tout un réseau de gens qui nous suivent. Une salle plus jeune mais tout aussi importante n’a pas tout ce réseau derrière elle», note Sara Castonguay.

«Je suis passée à travers mon fonds de roulement, présentement je roule grâce au prêt du gouvernement. Si je suis obligée de refermer en raison d’une deuxième vague, ce n’est pas dit que je vais m’en sortir. Et si ma clientèle qui a acheté des billets me demande d’être remboursée, c’est sûr que je vais fermer.»

Aide demandée

L’aide arrive tranquillement, mais pas suffisamment au goût des propriétaires de salles. Déjà, la Ville de Montréal a fourni une aide de 500 000$ pour les salles non subventionnées. Québec a aussi promis de s’impliquer par le biais de la SODEC.

Du côté fédéral, une aide d’urgence a été déployée via le programme Musicaction. Fait exceptionnel, les salles à but lucratif sont éligibles. Habituellement, Patrimoine Canada ne finance que les organismes à but lucratif.

D’autres salles sont écartées de l’aide au loyer ou aux subventions salariales en raison de leur structure de fonctionnement.

«On reste encore mal compris du gouvernement fédéral qui semble parfois penser que les salles indépendantes sont simplement des bars. Mais la diffusion culturelle fait partie intégrante de leur identité. La partie “bar” aide à subventionner leurs activités culturelles parce qu’ils n’ont pas d’aide des gouvernements», déplore Jon Weisz, qui est représentant au Québec de la campagne #SoutenezNosScènes lancée par la Coalition canadienne des salles indépendantes (CCSI).

«Pour qu’un événement soit rentable, une salle doit être remplie de 60% à 70% de sa capacité», illustre Olivier Corbeil. Et dans le contexte actuel, pour remplir une salle à ce niveau, il faut un vaccin ou que le virus disparaisse de lui-même. En attendant que ça arrive, si les programmes sont incapables de nous aider à éponger nos frais fixes, cet été ou cet automne, tout le monde va fermer.»

«La fondation» du milieu musical

Un tel scénario sera catastrophique pour la vie culturelle montréalaise et québécoise, préviennent les intervenants sollicités par Métro.

«Les petites salles, ce sont les bastions où les jeunes groupes font leurs armes, souligne Sara Castonguay. Sans nous, le portrait ne serait pas le même. Où vont aller les groupes pour se former sans salles indépendantes?»

«Ce serait comme bâtir une maison sans fondation. Tu peux pratiquer avec tes amis dans un local, mais après tu fais quoi. Tu joues dans une salle de 2000 personnes? Ça ne marche pas comme ça», ajouter Olivier Corbeil.

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