Comment offrir un meilleur accès à la culture aux jeunes?
Au Québec, les sorties scolaires culturelles sont portées à bout de bras par des enseignants et des parents déterminés. Des programmes d’aide gouvernementale existent, mais leurs procédures s’avèrent souvent lourdes pour des pédagogues déjà débordés. Métro explore les avenues possibles pour transmettre plus équitablement la culture d’ici aux citoyens de demain.
La plupart des écoles québécoises ne sont pas dotés de programmes culturels formels ni de quotas de sorties culturelles à réaliser pendant l’année. C’est aux parents et aux professeurs de les concrétiser.
Dans le réseau public, il est interdit depuis environ cinq ans de demander aux parents une contribution financière, donc les enseignants doivent faire preuve de créativité. Dans certains quartiers défavorisés, des classes entières peuvent ainsi se passer d’art pendant toute une année scolaire.
L’expérience de la culture
Afin de remédier au problème, le Ministère de l’Éducation offre le programme Culture à l’école. Celui-ci vise à multiplier les expériences culturelles des étudiants. Les enseignants ont accès à un vaste répertoire d’artistes qu’ils peuvent inviter dans leur classe, et le gouvernement prend en charge 80% des frais reliés à l’activité choisie.
La démarche pour avoir accès à ces ressources s’avère toutefois complexe. «Les programmes existent, mais il faut que l’enseignant soit motivé parce que la communication est loin d’être fluide», remarque Anouk Simpson, enseignante en adaptation scolaire au secondaire.
«Les demandes nécessitent de remplir beaucoup d’exigences et de paperasse. On se perd donc vite dans un océan de courriels, et le tout peut venir saper la motivation des professeurs.»
Anouk Simpson, enseignante
De plus, on ne dispose que de deux semaines pour transmettre une demande de financement, un délai beaucoup trop court pour un personnel avec une charge de travail immense.
Des organismes culturels comme la Rencontre Théâtre Ados (RTA) offrent des services de médiation clé en main aux professeurs, incluant la visite des créateurs à l’école. Pendant la pandémie, alors que l’offre artistique était anémique, la demande a explosé.
«En webdiffusion, sans l’organisation du transport, c’était plus facile d’organiser des projections en classe ou via Zoom», explique Marie-Pierre Gendreau, directrice des actions culturelles à la RTA.
L’importance du passeur culturel
Au cours des dernières années, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) s’est érigé comme chef de file dans l’accès des jeunes à l’art. Mélanie Deveault, directrice de l’éducation et du mieux-être au MBAM observe le besoin d’un passeur culturel, un rôle que les professeurs, les professionnels du milieu communautaire et les parents peuvent tous incarner.
«Le passeur culturel est essentiel. Il agit comme un courroie de transmission entre l’enfant et la culture. Les jeunes accompagnés par une telle figure sont plus susceptibles de fréquenter les lieux culturels et surtout d’y revenir.»
Mélanie Deveault du MBAM
Avant son entrée à la direction, Mélanie Deveault a d’ailleurs développé la plateforme ÉducArt du Musée. Elle se fonde justement sur l’idée de l’enseignant en tant que passeur culturel. L’enseignant présente en classe les collections du Musée numérisées sur le portail virtuel et relie les œuvres au domaine scolaire abordé, que ce soit la géographie, le français ou les mathématiques.
Dans le but d’impliquer davantage les jeunes dans le processus, le MBAM a également imaginé l’ATLR 15-20, un lieu d’échanges destiné aux 15-20 ans. L’espace hybride permet à ceux-ci d’explorer des pratiques allant des beaux-arts à la photographie, en passant par la création audio-vidéo.
Un défi
«L’ATLR est construit pour et par les jeunes, résume Mélanie Deveault. L’adolescence n’est pas le moment où les jeunes sont le plus enclins à venir vers l’institution culturelle. C’est donc d’autant plus essentiel qu’on leur donne un lieu pour exprimer leurs préférences.»
Sous une optique similaire, la RTA a invité une vingtaine d’adolescents à filmer un court-métrage sur leur confinement du printemps 2020 pour construire un montage global.
En somme, l’accès des jeunes à la culture représente encore un défi de taille pour les milieux scolaire et culturel. Les actions prochaines se concentreront davantage sur l’éveil du goût pour l’art, plutôt que d’acquérir des goûts ou des genres prescrits par les adultes. Autrement dit, pour que la culture soit appréciée par les jeunes, elle doit d’abord savoir parler leur langue.
«Je n’ai pas de programme culturel à faire passer, j’ai des étincelles à allumer», affirme Anouk Simpson.
Quelques pistes de solution
- Plus de médiateurs culturels dans les écoles. Anouk Simpson recommande que les écoles reçoivent les ressources nécessaires pour embaucher un coordonnateur aux activités culturelles. Cette personne pourrait effectuer une veille culturelle, faire le tri des programmations et soutenir les enseignants dans la planification des activités.
- Décloisonner les sorties culturelles. La culture ne devrait pas être la chasse gardée des cours d’arts plastiques et de musique. «L’art devrait être partout, tout le temps», estime Anouk Simpson. La Rencontre Théâtre Ados accueille d’ailleurs fréquemment des groupes de francisation composés de jeunes immigrants qui ont tout intérêt à s’imprégner de la culture ambiante.
- Préparer et intégrer l’activité culturelle. Pour qu’elle ait un impact significatif sur l’apprentissage et l’ouverture de l’enfant, une visite culturelle doit être abordée avant et après l’événement. «Avant de rencontrer un créateur, on explore son univers au préalable. On en discute avant et après la performance pour que les jeunes puissent bien recevoir l’œuvre et trouver leurs propres réponses», indique Anouk Simpson.
- S’associer avec des organismes communautaires travaillant avec la jeunesse. Un tel partenariat garantit que les projets demeurent pertinents à la réalité des jeunes et que les adultes ne projettent pas leurs propres besoins sur eux. «Il est important que les jeunes puissent participer à la construction des spectacles qui leur sont destinés et de voir comment on peut engager la conversation avec eux», détaille Mélanie Deveault.