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L’industrie du cinéma est-elle (toujours) un «boys club»?

étude cinéma
Photo: iStock

Réalisatrices Équitables a dévoilé mardi les résultats d’une étude sur la parité dans le milieu du cinéma de fiction. Qui filme qui? Vers une représentation équilibrée devant et derrière la caméra a été menée en collaboration avec Anna Lupien ainsi qu’Anouk Bélanger et Francine Descarries de l’Université du Québec à Montréal. Rencontre.

En résumé, quelle est la place des réalisatrices dans l’industrie du cinéma au Québec aujourd’hui?

Anna Lupien: Depuis 2013, des mesures de parité ont été instaurées par les institutions. La place des réalisatrices dans le paysage en général a donc beaucoup évolué. En 2011, les femmes avaient fait 11 films de fictions sortis en salle, contre 24 pour les hommes.

Anouk Bélanger: En 2019, on passe de 20% à 38% de longs métrages de fiction réalisés par des femmes au Québec. Ces chiffres ont presque doublé, mais la parité n’est toujours pas atteinte.

Peut-on qualifier le milieu du cinéma de «boys club»?

Anna Lupien: Dans une certaine mesure, oui! La parité n’a en effet pas encore été atteinte et historiquement le cinéma, surtout hollywoodien, a été construit entre hommes. Il y a évidemment eu des femmes importantes au début du cinéma, mais il s’est masculinisé à partir de son industrialisation. On peut quand même se réjouir des avancées! Des choses se passent et l’ouverture s’installe.

Anouk Bélanger: Il y a eu des changements positifs depuis, c’est indéniable, mais les conséquences de la manière dont l’industrie s’est construite se font encore sentir. Convaincre pour des améliorations prend du temps. Cette étude a pour objectif de donner des chiffres et d’être constructive, car la situation est en réalité très complexe.

Quel lien existe-t-il entre les personnes qui sont derrière la caméra et celles qui sont devant?

Anouk Bélanger: Ce qui est clair dans le rapport, c’est que lorsqu’on diversifie le regard on diversifie l’image, le portrait. Quand il y a plus de femmes derrière la caméra, il y a plus de diversité. L’idée de notre recherche n’est pas de dire que les hommes seraient fermés «à», mais que quelque chose d’historique et de systémique s’est installé. Avant, c’étaient surtout des hommes qui réalisaient des films d’une certaine manière parce qu’on n’avait pas encore commencé à les questionner. Maintenant, on se rend compte que les femmes cinéastes ajoutent une diversité. Ce n’est pas la femme par rapport à l’homme, mais bien un effet de système où il faut différencier l’industrie du cinéma et les institutions qui la financent.

Anna Lupien: On regarde vraiment la situation dans son ensemble, après avoir étudié précisément 1017 personnages de films. On ne dit pas que dans chaque long métrage la parité doit être parfaite, mais on se rend compte qu’il y a un déséquilibre en général. La diversité n’émerge que lorsqu’il y a une réelle représentation des femmes derrière la caméra.

La parité n’est pas encore là, et il faut continuer de travailler pour l’atteindre. Non seulement pour que les réalisatrices soient justement représentées, mais aussi pour que l’on ait accès à leur imaginaire et leurs histoires. Il a des acquis à défendre.

Anna Lupien
Quels sont les obstacles systémiques rencontrés par les femmes cinéastes?

Anna Lupien: On les rencontre souvent dans le processus de financement du cinéma. Un ou une cinéaste qui veut faire son film doit convaincre une série d’intermédiaires. Par exemple, il faut un.e producteur.rice, une société de distribution, etc. Tous.tes doivent être embarqué.e.s dans le projet pour monter la structure financière. C’est lors de ces étapes que les femmes rencontrent des obstacles, pour trouver des gens qui appuieraient leur long métrage. Il y a aussi les obstacles systémiques rencontrés par les femmes en général dans la société québécoise encore aujourd’hui, comme le temps consacré à la carrière en raison de la charge mentale.

Anouk Bélanger: La logique commerciale de l’industrie de cinéma joue aussi sur les petits freins mentionnés par Anna. Concrètement, des films proposés par des femmes peuvent être considérés comme risqués… Au Québec, on a la chance d’avoir beaucoup de femmes productrices. Et celles-ci sont des alliées pour les réalisatrices.

Finalement, qui sont les bénéficiaires de la parité dans le cinéma?

Anna Lupien: Quand on y pense, cette diversification des histoires qui se retrouvent sur nos écrans est le monde qu’on nous raconte. Le cinéma permet notamment l’accès à différents points de vue. Il y a aussi cette idée des modèles qui permettraient à d’autres de se projeter.

Anouk Bélanger: Cela fonctionne autant devant la caméra, pour des rôles majeurs, que derrière comme réalisatrice ou scénariste. Si on voit une femme qui est «capable», le chemin devient plus facile pour les autres.

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