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Fabrice Luchini dans le rôle d’un enseignant

Photo: Les films Séville
Mehdi Omaïs - Métro France

Dans le film de François Ozon Dans la maison, Fabrice Luchini interprète un enseignant confronté à un élève un brin voyeuriste. Un rôle en or pour un comédien qui adore transmettre sa passion des mots au grand public.

Retrouver François Ozon après Potiche, était-ce une évidence?
C’était d’autant plus agréable de le retrouver que mon précédent rôle était un peu ingrat. Souvenez-vous de l’abject Robert Pujol qui dit à sa femme dans Potiche [Catherine Deneuve] : «Ton avis? Quel avis? Tu as un avis?» (Réflexion) Quand il m’a offert le scénario de Dans la maison, il y avait en effet une sorte d’évidence. Je pouvais le faire. C’était aussi simple que ça.

Parlez-nous de votre personnage et de son exaspération au début du film…
C’est un professeur accablé par le niveau de ses élèves. Un matin, en corrigeant leurs devoirs, il tombe sur une rédaction hallucinante du genre : «Samedi j’ai mangé une pizza et regardé la télé. Dimanche rien.» Une description si courte alors qu’ils devaient décrire leur week-end. Après l’exaspération arrive enfin une excellente copie d’un élève qui décrit son introduction dans la maison d’un ami de classe. Le film commence ainsi, sur une super copie…

Quel regard portez-vous, en tant qu’amoureux des mots, sur cette jeunesse du SMS et de l’abréviation?
Lire a toujours été dur, peu importe les époques. En ce moment, on assiste à une écrasante présence de l’image qui se traduit évidemment par une réduction de l’écrit. Là, je me référerais à Nietzche qui affirme que «quand une civilisation n’a plus de correspondance, elle se détruit». Mais attention, il n’est pas intéressant d’avoir une position morale sur le sujet. Et si la transmission du goût de lire n’avait pas été bien faite?

À quel point Germain vous ressemble-t-il?
J’ai une toute petite connaissance de moi-même et je commence vraiment à dompter mes limites. Pour ce film, je savais que le rôle me convenait. Il s’agit après tout d’un prof qui aime Flaubert. J’aime par ailleurs le côté réac du personnage, à qui on veut interdire de corriger en rouge parce que c’est une couleur anxiogène. J’adore ce mot, «anxiogène».

Auriez-vous pu être enseignant?
Le métier d’acteur cherche l’éloquence, déjoue les mots pour tenter de les respecter. C’est compliqué. J’aurais pu être professeur, mais pas vraiment. Il me manque la patience.

En aviez-vous avec votre jeune partenaire, Ernst Umhauer, dont c’était le premier rôle?
C’est le privilège de ce que Lévinas appelle «le miracle du visage de l’autre», qui fait qu’on échappe à son égo, à son moi. Jouer à mon âge devant un jeune homme, c’est se mettre à son service. C’est un plaisir énorme que de le voir se révéler.

Avez-vous le sentiment que Dans la maison est le premier film sur la téléréalité dont la caméra est un livre?
C’est fort et formidable ce que vous dites, parce que c’est exactement ce que je n’avais pas prévu dans ce film. De nous retrouver finalement dans un loft, celui d’une classe moyenne un peu imaginée… Ozon n’a pas voulu être réaliste dans la narration et le rapport entre le professeur et l’élève. En revanche, il l’est concernant l’école et le couple formé par Germain et sa femme [incarnée par Kristin Scott-Thomas].

Estimez-vous que la curiosité est un vilain défaut?
Je pense que c’est une indiscrétion… ou une transgression, dans la mesure où on s’occupe souvent de ce qui ne nous regarde pas. Tout dépend de l’objet de cette curiosité. Dans ce film, c’est une transgression, c’est sûr. Le cinéma d’Ozon est indiscret de toutes les façons.

Dans la maison
En salle dès vendredi

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