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Champion, après le néant chaotique

Photo: Denis Beaumont/Métro

Nous le rencontrons au parc des Portugais, où il pose pour notre photographe, devant la maison de Leonard Cohen. Poétique coïncidence. Un peu plus tard, serein, souriant, Maxime Morin, alias Champion, nous confie qu’il a «toujours fait de la musique à sa façon». Une affirmation directe, honnête, qu’il confirme une fois de plus sur son nouvel album, °1.

Dès les premières notes de son troisième album studio, Champion transporte l’auditeur quelque part où il ne l’avait pas encore emmené, quelque part où il ne s’attendait pas forcément à aller. Au commencement de ce °1, il n’y a ni guitare ni beat. L’album s’ouvre en douceur. Une douceur qui détonne joliment avec le titre plus virulent de la première plage. 40#@%&!. Chapelet qui peut se lire comme «I’m forty, fuck». J’ai 40 ans, putain!

Composée, vous l’aurez deviné, lorsqu’il a fêté cet anniversaire marquant, cette chanson attendait un disque où elle pourrait se poser. Dès qu’il a su qu’il allait faire un autre album, Champion a également su que c’est 40#@%&! qui lancerait le tout. «C’est la composition qui se rapproche le plus du son de l’ensemble, explique-t-il. Mais c’est surtout une pièce très différente de ce que je fais habituellement.»

Cette entrée en matière constitue d’une certaine façon un avertissement. «Si vous écoutez ce Degré un, ne vous attendez pas à entendre Chill’em All ou Resistance.» Ici on est ailleurs. Dans des orchestrations assez grandioses, dans des morceaux comme A Dog and A Goat, porté par les cordes enivrantes du quatuor Mommies on the Run. Classique dans le style. Pas classique du tout dans la forme.

«Beaucoup de gens sont curieux de savoir pourquoi j’ai opté pour cette voie, remarque spontanément Champion. Mais je pense que si tu veux composer un opéra, tu seras porté à le faire en italien. Si tu veux faire une chanson méchante, tu iras plus vers quelque chose d’agressif ou de distortionné, comme du noise ou du métal. Et si tu veux faire passer la fragilité, la sensibilité, la tendresse, tu opteras pour la musique classique.» Et c’est pourquoi celui qui a récemment collaboré avec l’OSM s’est plongé entièrement dans ces eaux. «J’aime le côté fantastique de la musique de film. Surtout celle des films de science-fiction, avoue-t-il. Et la musique classique me permet de faire passer ce côté fantastique qui me parle vraiment.»

De toutes les couleurs

L’auditeur doit s’attendre à être surpris plus d’une fois par °1. À la 14e chanson, après un périple plus lounge-orchestral, bam, revirement soudain. Non pas à 360 degrés, mais plutôt à 356 degrés (l’indice se trouve d’ailleurs inscrit dans le titre de la chanson). Le musicien nous transporte d’un coup dans un tout autre registre. Guitare discordante, voix un peu tout croche, ambiance blues, Maxime chante I Ain’t Got A Friend in Town. S’ensuivent trois autres morceaux dans un même style dénudé, dont Cheating on My Woman. «Je trompe ma femme, comme un homme, et j’ai même pas besoin de coup de main», s’égosille volontairement Maxime. «Je voulais montrer que j’étais capable de dire des niaiseries, de chanter mal! Si j’avais enrobé cette chanson d’une grosse production et si j’avais mis d’autres paroles, probablement que les gens auraient pu dire : ‘‘All right le gros, c’est bon!’’ Mai j’ai préféré laisser le tout dépouillé.»

Le disque se termine d’ailleurs sur une pièce assez étonnante, Nothin’ Nothin’, qu’on fait jouer quelques fois juste pour être sûre qu’on écoute toujours Champion. «Avec Nothin’ Nothin’, je voulais prouver que je suis capable de faire des choses douces et belles au maximum de mon talent et d’autres vraiment poches, pas belles, au minimum de mon talent!»

Dans un sourire, il avoue s’être «un peu obstiné avec sa compagnie de disques pour laisser ces chansons là». «Au départ, je les avais placées parmi les morceaux classiques. Et effectivement, on ne comprenait pas ce que j’essayais de faire. Je me suis fait dire : ‘‘Il faudrait dire aux gens qu’on sait que ce n’est pas bon! Que ce n’est pas une maladresse!’’»

Les quatre petits ovnis sont restés. En fin d’album. «Comme ça, on voit qu’il y a une intention, un message qui passe… un peu!»

Sujet difficile s’il en est un, °1 est aussi marqué par la maladie qui l’a frappé, le combat contre le cancer qu’il a mené. Peut-être encore plus que toutes les autres, la poignante chanson Requiem Dem exprime les émotions que le musicien a ressenties dans ces temps difficiles. Elle se termine dans une cacophonie de voix, de sonorités. «Un néant chaotique», dit Maxime. C’est beau comme image, même si c’est terrible un néant chaotique. «Je voulais vraiment créer l’inconfort, explique-t-il. C’était intentionnel. Quand la mort approche, tout est incohérent. C’est comme si t’étais pris dans un rêve. Ce n’est pas cool. Le ciel devient vert. Ta perception de la vie devient confuse. C’est trop. Émotivement, tu deviens fou.»

«À l’époque où j’ai lancé l’album Resistance, les gens ont cru que j’étais opportuniste parce que c’était vraiment pop, enchaîne-t-il. Et c’est sûr que je suis opportuniste. J’ai été malade et je m’en suis servi pour faire °1. J’aurais trouvé ça difficile de le faire à un autre moment. Je pense que les gens seront moins portés à penser : ‘‘Oh! Il veut nous montrer qu’il sait composer des musiques!’’ et qu’ils seront plus réceptifs à écouter ce que je veux réellement dire.»

Donc cet album, il a été créé dans une liberté complète? «Oui. Mais je fais toujours de la musique comme ça. My way. À ma façon. Et ce disque, c’est une mise à nu. Une façon de réaffirmer que je fais les choses pour vrai.»

Avec un peu d’aide de mes amis
Même s’il affirme que °1 est un album «très solitaire», on y trouve Champion entouré de plusieurs collaborateurs. Des fidèles G-Strings, bien sûr, et du tout aussi fidèle Pierre Philippe Côté, alias Pilou. On peut aussi y entendre la rappeuse Fab, de Random Recipe, qui offre une performance épatante, le quatuor à cordes Mommies on the Run et le tromboniste et arrangeur Jean-Nicolas Trottier.

  • Discographie

Un parcours éclectique en trois titres.

Chill’Em All (2004)
Le premier album studio de DJ Champion, Chill’Em All, lui vaut une reconnaissance immédiate. «J’ai toujours composé plein d’affaires, plein de chansons, se souvient-il. J’aime la musique! Les événements, l’invention de la musique en général, ça me passionne.»

Resistance (2009)
Le second album studio signé DJ Champion, sur lequel on trouvait le tube absolu Alive Again. «Resistance, c’était un album totalement pop, remarque-t-il. J’y croyais. Je l’ai fait avec toute la sincérité dont j’étais capable. Faire de la musique pop, pour moi, c’est m’adonner à une véritable exploration.»

°1 (2013)
Avec cet album qui marque son grand retour, le musicien confie avoir voulu «mettre en musique une période précise de sa vie». Une période, comme il la décrit lui-même, faite de véritables montagnes russes émotionnelles. NB : Champion présentera °1 sur scène le 6 juillet à la Salle Wilfrid-Pelletier, dans le cadre du Jazz.

°1
En magasin dès le 28 mai

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