Stéphanie Lapointe: pardon d’amour
Sur Les amours parallèles, Stéphanie Lapointe explore «la plus belle aventure qui soit», celle qui ne vient jamais sans son lot de déceptions, de bonheurs, de chutes, de gaffes, de remontées spectaculaires. «Je me suis dit: on parle tellement d’amour, pourquoi ne pas assumer complètement ce thème et y aller à fond?» raconte-t-elle.
C’est ainsi que, en embrassant entièrement ce sujet abordé par 60% des chansons du monde («C’est très scientifique, ce chiffre. Le fruit de longues recherches…!» s’amuse-t-elle), Stéphanie plonge et nous offre 10 morceaux aux sonorités cristallines, enveloppés de chœurs célestes, où sa voix, sensible et habitée, chante «le cœur qui bat sans personne pour l’entendre».
Quand on ouvre le livret des Amours parallèles, troisième album de Stéphanie Lapointe, on tombe sur les mots de Romain Gary: «J’ai souvent remarqué qu’il y a quelque chose avec la réalité qui n’est pas encore au point.»
Cette citation du regretté écrivain français qui, remarque l’interprète, «est entré dans nos vies par la poésie», reflète la poésie qu’elle livre, elle, sur ce nouveau microsillon. «C’est comme si Gary disait: la vie, c’est une question de perception. Et je trouve que c’est tellement vrai! C’est fou comment le regard qu’on jette sur l’amour influence la manière dont on fait nos choix et dont on mène nos existences!»
Pour démontrer à quel point les grandes passions amoureuses sont essentielles à tout parcours humain, l’interprète donne l’exemple de ce qu’elle a vécu lorsqu’elle s’est rendue au Soudan, en 2008, afin d’y coréaliser la série de capsules documentaires À ciel ouvert. En quittant le Québec, elle croyait que toutes les conversations là-bas «seraient super dramatiques». Puis, un jour, elle a demandé au traducteur qui l’accompagnait: «Mais de quoi elles parlent, les filles, là-bas?» «Oh, l’une d’entre elles vient de se faire laisser par son chum et elle est triste», lui a-t-il répondu. Stéphanie se souvient d’avoir pensé: «Il y a des bombes qui tombent à côté à 20 mètres, mais tout le monde est préoccupé par sa peine d’amour!» «Mais c’est ça! ajoute-t-elle vivement. C’est ça qui est au cœur de nos vies!»
Et c’est aussi ça qui se retrouve au cœur des 10 chansons de l’album, 10 photos de moments qui parlent de relations. L’inspiration est venue d’un texte composé pour elle par Philippe B. Le premier morceau du casse-tête de ces Amours, qui dresse «un portrait de plein de gens qui aiment différemment, mal, bien, qui se cassent la gueule et qui triomphent après».
Mais même si Les amours parallèles-la-chanson a donné son nom aux Amours parallèles-le-disque, c’est une autre pièce, également écrite par Philippe B, que l’interprète a choisi de placer en ouverture: L’oiseau mécanique. «Adieu cage dorée / J’ai le ciel à embrasser / J’ai des ailes à déployer», y chante-t-elle. Serait-ce parce que cette fois-ci, elle voulait créer, a créé, avec une liberté absolue? «Je pense que chaque projet est une occasion de [créer librement]. Pourtant, il y en a certains qui nous permettent de donner plus que d’autres», répond-elle. Et c’est peut-être ce qui fait que cette offrande est, selon elle, «la plus dénudée et la plus intime qu’elle ait jamais présentée».
Car c’est vrai qu’il est intime et dénudé, ce disque. Il est aussi épuré, il respire et laisse toute la place aux textes, nés de la plume de divers auteurs, dont Philémon Cimon et Kim Doré. Stéphanie y allie également son univers à celui, plus «éclaté, ludique» de Jimmy Hunt et celui, plus «écorché», de Philippe B, en plus d’offrir un duo avec le «folkeur» anglophone montréalais Leif Vollebekk, «rencontré sur un plateau de télévision au Manitoba il y a trois ans». «Leif, c’est quelqu’un de super instinctif. C’est un real! lance-t-elle. C’est comme un Bob Dylan. Il prend sa guitare et c’est juste parfait parce que ce n’est PAS parfait. Moi qui suis très cérébrale, qui fait les choses dans la dentelle, ça m’intéressait d’aller vers quelqu’un qui dit: “Allez! Chante! C’est beau, la vie!” C’était du gros plaisir.»
«Après m’être confiée à Philippe B et à Stéphane [Lafleur], je savais qu’ils allaient prendre ce que je leur avais raconté, le passer à travers leur vécu, leurs histoires à eux, et que tout ça allait ensuite faire une chanson. Cette étape de filtres a fait en sorte que j’ai l’impression d’avoir fait un projet super intime, même si ce n’est pas ma plume à moi.» – Stéphanie Lapointe
Outre le tandem avec Leif, la jeune femme en propose un autre avec Philémon Cimon, artiste avec lequel elle semblait prédestinée à travailler, leurs voix angéliques s’accordant à la perfection sur De mon enfance, une composition inspirée par Brigitte Bardot. Parlant de femmes iconiques, Stéphanie retrouve aussi, d’une certaine façon, dans cette collection de chansons, la grande Jane Birkin. Une artiste qu’elle a-do-re et dont elle avait fait la première partie aux FrancoFolies il y a cinq ans. «Je suis fan de façon démesurée de certaines personnes dans la vie, et Jane en fait partie!» C’est pourquoi elle revisite ici, justement, Pourquoi, un morceau coécrit par Birkin et Alain Lanty, qu’elle a «écouté, écouté, écouté!» et «qui parle du pardon».
Autre pièce qui parle du pardon? Celle concoctée par Stéphane Lafleur, qui clôt l’épopée: Nous revenons de loin. Avec ce modèle d’épuration, le frontman d’Avec pas d’casque a mis en mots la question que l’interprète souhaitait explorer, décortiquer, à savoir: est-ce que le pardon existe en amour? Est-ce qu’un couple peut se relever après des épreuves et vraiment aller plus loin? «Quand je lui en ai parlé, Stéphane a utilisé une super belle image: il m’a dit que lorsque quelque chose dans la forêt brûle, les arbres repoussent mieux après. Ça fait une terre plus riche.» Le résultat signé Lafleur dit exactement ce qu’il faut. Et ce, en peu de mots. «Tout est là. Il a passé son texte à l’eau de Javel avant de me le donner.» Et Stéphanie Lapointe vous le redonne maintenant. Avec amour, bien sûr.
Les amours parallèles
Disponible mardi
En spectacle à Coup de cœur francophone
Le 11 novembre
Au Cabaret Mile-End