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«Beau gars»: hommes sous domination

Cynthia Wu-Maheux, Oumy Dembele et Marie Bernier incarnent les impétueuses narratrices de la pièce « Beau gars ». Photo: Valérie Remise

La cinglante satire Beau gars, présentée jusqu’au 7 avril au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, s’amuse avec un plaisir sadique à inverser les rôles stéréotypés hommes-femmes, plaçant ces dernières en position de domination absolue dans cet univers distorsionné. Un revirement genré qui révèle toute l’absurdité des iniquités entre sexes, et l’horreur qui en découle.  

Trois narratrices aux airs de guerrières — impétueuses Oumy Dembele, Marie Bernier et Cynthia Wu-Maheux — livrent ce scénario sardonique à l’humour noir, traduction française signée Olivier Sylvestre de la pièce Beautiful Man de l’autrice dramatique Erin Shields, qui a vécu plusieurs années à Montréal avant de s’établir à Toronto.  

À leurs côtés, un beau gars-objet (Gabriel Lemire, quasi taciturne jusqu’à l’étonnante finale), moulé dans une tenue d’un blanc immaculé dont il se dévêt tout au long de la pièce, leur fait office d’esclave, ayant pour unique fonction de servir des verres et de subir persiflage, attouchements et oppression. 

Trônant au faîte de toutes les sphères sociales, seules importent les femmes dans l’univers de Beau gars.  

Un beau gars-objet (Gabriel Lemire) fait office d’esclave, ayant pour unique fonction de servir des verres aux narratrices et de subir persiflage, attouchements et oppression. Photo : Valérie Remise

Pernicieuses héroïnes  

Les trois narratrices s’adonnent à une joute verbale effrénée s’articulant autour des héroïnes de films et de séries télé policières ou fantastico-médiévales qui les fascinent, œuvres fictives qui ne sont toutefois pas sans rappeler des Wire ou autres Game of Thrones.  

Rivalisant de réflexions incisives, elles ne manquent pas de subtilement tenter de passer pour plus réfléchies ou sagaces que leurs complices… comme il arrive bien fréquemment au sein d’une dynamique de groupe. 

Elles commentent avec passion les actions — la plupart du temps abjectes — de ces héroïnes, qui vont d’une policière pourchassant une tueuse à une politicienne despotique, en passant par une reine belliqueuse, sa sœur sanguinaire, une impitoyable broyeuse de testicules et une armée de chasseuses s’étant tranché un sein… 

Les séries mettant en vedette d’impitoyables héroïnes que regardent les trois narratrices sont au cœur de leur conversation-fleuve. Photo : Valérie Remise

Hommes persécutés  

Galvanisées, les trois amies se relancent sur d’infâmes scènes où sont invisibilisés, ridiculisés, sexualisés à outrance, violés, mutilés ou assassinés des hommes, réduits à des rôles de maris exsangues, de proies ou de géniteurs servant uniquement à mettre au monde des femmes.  

La souffrance des hommes est dans cet univers source de concupiscence, leur anatomie étant narguée sans vergogne. 

Aussi cruelles soient les héroïnes avides de pouvoir de leurs séries, les narratrices les absolvent allégrement : ces personnages ne sont-elles pas, après tout, mues par des émotions extrêmement complexes? déclament-elles.  

Bien sûr, seuls les beaux gars ont grâce aux yeux des narratrices comme à ceux de leurs héroïnes de prédilection. La beauté de l’homme — monolithique, réifié, objectifié par le regard féminin — constitue son unique utilité, sa seule issue. Pour survivre, il doit être beau. 

Le sort réservé à la gent masculine dans Beau gars, c’est celui que d’innombrables films, séries et pièces de théâtre réservent aux personnages féminins, fait observer l’autrice Erin Shields dans un communiqué. Ce sont ces iniquités entre sexes perpétuées par la culture populaire sous le couvert du divertissement qui l’ont poussée à écrire sa satire.  

La violence véhiculée par les propos des narratrices de la pièce révèle de façon radicale le sexisme et la misogynie intériorisés au sein de notre société.  

La tenue du personnage de Marie Bernier évoque l’armée de chasseuses unimammaires dans une série télé dont elle parle avec ses amies narratrices. Photo : Valérie Remise

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