Plein gaz
Malgré l’absence du mot «environnement» à même le dernier programme électoral de la CAQ et le surplace de leur première année au pouvoir, la grande marche de Greta, forte de 500 000 sympathisants, devait un brin changer la donne. On sentait ainsi une certaine volonté d’accorder à l’écologisme, enfin, la place appropriée au sein du palmarès des priorités du gouvernement Legault.
Me souviens même d’une chronique écrite là-dessus, ainsi que d’entrevues télé et radio, où l’on qualifiait mes espoirs de naïfs. Bah non, disais-je, sont sincères. My bad.
Parce que sitôt la pandémie débarquée, pif paf pouf, envolées, les illusions. Pensons pour seul exemple à l’abject projet de loi 61, hérésie constitutionnelle jumelée à une volonté, peu subtile d’ailleurs, de bulldozer multitude de verts principes. D’abord, en amenuisant les processus d’évaluation en les assimilant à d’anciens concepts dignes des années 90. Ensuite et surtout, en permettant au ministre Charette de modifier à lui seul – ô violation de la séparation des pouvoirs- les aspects de la Loi sur l’Environnement qui, de facto, pourraient interférer avec les 202 projets d’infrastructures visés. Ce dernier devait d’ailleurs enterrer le cercueil de ma candeur en affirmant, sans rire, qu’il lui appartenait « d’améliorer le service à la clientèle auprès des promoteurs ». Un ministre de l’Environnement aux services des…promoteurs. Voilà qui, justement côté candeur, sera difficile à battre.
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La pandémie, on l’a compris, a le dos large. Idéale, plaiderait Machiavel, pour amener les regards ailleurs. Profiter de la catastrophe afin de passer, en catimini, les trucs discutables. Certains dossiers aux prises à l’époque avec une attention médiatique méritée baignent, aujourd’hui, dans une inquiétante obscurité. Au nombre de ceux-ci, le projet GNL.
Propriété des multinationales américaines Breyer Capital et Freestone International, intimement liées au Parti républicain (tout pour nous les rendre sympas), ledit projet tend à exporter du gaz albertain extrait par fracturation hydraulique, soit le même procédé que celui du (controversé) gaz de schiste. Trois étapes précises prévues: a) la construction d’un pipeline de 782km entre l’Ontario et le Saguenay; b) celle d’un terminal méthanier visant à liquéfier le gaz en question; c) son exportation, à même Fjord et le fleuve St-Laurent, par bateaux.
Selon les experts et autres opposants, les impacts environnementaux afférents au projet sont majeurs, sinon catastrophiques.
Premièrement, une augmentation spectaculaire des émissions de gaz à effet de serre, soit 60% des GES déjà produits annuellement au Québec ou, si l’on préfère, l’équivalent de. 9 766 454 nouveaux chars sur nos routes. Juste ça.
Ensuite, le caractère particulièrement polluant du méthane extrait, lequel constitue un gaz 84 fois plus dommageable, sur un horizon de 20 ans, que le CO2.
Troisièmement, la sécurité autour du pipeline discuté. Plus de 170 accidents auraient effectivement été répertoriés, au Canada seulement, en 2017.
En bref, et toujours selon les experts et opposants dont sont issus ces chiffres et constats, l’approbation de GNL en viendrait à annihiler, à elle seule, l’ensemble des efforts de réduction entrepris à ce jour.
Lueur d’espoir? Possiblement, oui. Parce que le Bureau d’audience publique en environnement (BAPE) doit, après analyse, éclairer la future décision gouvernementale. Bien que non contraignante en droit, sa position présente d’ordinaire une force morale ardue à ignorer pour les dirigeants. Et comme ces derniers, en l’occurrence la CAQ, ont déjà affirmé être ouverts à l’idée de stopper le projet-destructeur, eh ben c’est ça. Espoir, donc, à moins que le ministre Charette s’en remette à son mantra de repousser encore davantage, enweye donc Léon, les limites de l’expérience-client…