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Miron et entrer en littérature

Photo: Archives
Rémi Villemure - Collaboration spéciale

Au début de leur aventure, les jeunes auteurs sont parfois confrontés à une peur terrible, celle de ne jamais rencontrer leur style. Chez certains d’entre eux, cette angoisse s’étire dans le temps et parvient même à se loger définitivement sous leurs os. Les années filent, ils continuent d’éplucher les classiques, émus, déchirés chaque fois entre l’émotion puissante et toujours pure de l’épatement, mais aussi celle, largement plus vile, de la rancœur. Au milieu des nuits sans sommeil, ils se questionnent : « Comment Flaubert a-t-il pu écrire quelque chose d’aussi parfait ? Et si moi, au fond, je n’étais pas fait pour ça ? ». 

Cette semaine, je suis plongé dans des lettres du poète Gaston Miron envoyées à un ami entre 1949 et 1951. Miron avait à peine vingt ans, écrivait déjà de la poésie, mais son verbe s’exerçait à défaut d’éblouir déjà. Miron était pauvre comme la gale, ne tenait pas en place, apprivoisait tranquillement un enthousiasme, à bout de souffle, un esprit qui l’incitait à lire un peu trop de tout, à s’éparpiller surtout. 

Ces lettres destinées à un ami s’adressent aujourd’hui aux jeunes auteurs de demain. Elles constituent de très grandes leçons d’humilité, de courage. 

Il faut lire Miron essayer de retrouver une langue, tenter aussi de trouver son style « tourmenté, qui se cherche, qui se dépouille ». Miron nous écrit que cette battue l’étourdit, lui pince la gorge, l’épuise jusqu’à le renvoyer constamment au dictionnaire « pour les mots les plus usuels et les plus simples ». 

Les jeunes défricheurs sont parfois persuadés que pour entrer en littérature, le talent seulement est convoqué. Miron, lui, est pourtant catégorique, « c’est le travail qui compte. » 

Miron a eu faim, Miron a eu peur et en 1950, il ne croyait même plus à une carrière littéraire. On connaît pourtant la fin. 

Un recueil, «L’Homme rapaillé», publié en 1970. Un ouvrage repris par l’auteur à de nombreuses reprises, à toutes les fois embelli d’un vers, d’une virgule ou d’une perle. L’œuvre québécoise la plus lue de toute la francophonie. 

Oui décidemment, il en faut du travail avant d’arriver « à ce qui commence ».

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