La fâcheuse notion de nation québécoise
Parfois on a vraiment l’impression d’être dans un mauvais film américain. A écouter le premier ministre se faire le porte-étendard des dites valeurs québécoises et le ministre Jolin-Barrette le défenseur des droits de la nation l’on se croirait au point culminant d’un thriller politique de la guerre froide. Sommes-nous tous dans le même cauchemar ?
Après les interventions dans la campagne électorale, le débat sur le wokisme, maintenant l’on devra endurer la polémique du projet de loi 96. Le gouvernement de la CAQ, didactique (lire paternaliste) comme à son habitude, nous expliquera comment définir notre identité nationale.
Le concept de “néo-Quebecois” était déjà en soi assez inconfortable. Cela dit, au moins, il témoignait d’une certaine volonté inclusive à même la montée nationaliste. Il y avait derrière ce terme encore des connotations du “nous” versus “les autres” mais c’était du progrès. Cependant, après le litige sur la laïcité, le discours public semble avoir brutalement changé de cap.
Le Québec est une nation mais aussi un territoire, une jurisdiction, une société. Une société vibrante avec une population pluraliste, variée et cosmopolite. Il est désolant de devoir rappeler qu’un parti politique n’a pas le monopole sur la definition d’une identité collective. Les canadiens-français fédéralistes sont québécois. Les anglophones de Montréal, de l’Estrie et de l’Outaouais sont québécois. Les allophones issus de diverses vagues d’immigration sont québécois. Les nouveaux résidents permanents de la province sont québécois. Les nationalistes multiculturalistes sont eux aussi québécois.
Le conseil des ministres gouverne-t-il pour sa base électorale ou pour la province au complet ? Lors de leur conférence de presse nos dirigeants réalisent-ils l’arrogance de leurs propos ?
Si c’est pour être ainsi, que le gouvernement s’adresse à nous de façon honnête et transparente. Que l’on me parle de québécois d’origine canadienne-française, francophones et nationalistes mais que l’on cesse les amalgames et les généralisations. Je suis québécois. Je suis fier des accomplissements de l’état québécois . Mais je ne me reconnais pas du tout dans ces discours et je suis loin d’être le seul. C’est indigne d’une grande nation et ce n’est pas une attaque de le dénoncer.
Gabriel Jishad
Juriste de droit public