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Le travail rend sourd

Journal Forum de l'université de Montréal

La majorité des quelque 650 000 travailleurs des secteurs de la métallurgie et du sciage du bois ainsi que du secteur manufacturier sont exposés à des bruits excédant la norme québécoise en milieu de travail. Cela a pour conséquence de multiplier leurs risques d’être victimes d’accidents de travail et de la route.

C’est la conclusion à laquelle une équipe de chercheurs en audiologie de l’Université de Montréal, de l’Université Laval et de l’Institut national de santé publique du Québec est parvenue au terme d’une analyse des données recueillies auprès de 53 000 travailleurs suivis sur une période de 5 ans.

«Plus de 60 % d’entre eux étaient exposés à des bruits dépassant la norme de 90 décibels (dB) par jour, soit l’équivalent du bruit provoqué par une rame de métro qui entre en gare», illustre Michel Picard, professeur à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’UdeM.

La situation est d’autant plus préoccupante que le Québec n’a pas révisé sa loi relative au bruit en milieu de travail depuis près de 40 ans, soit avant même qu’entre en vigueur la Loi sur la santé et la sécurité du travail. La norme nord-américaine, y compris dans les provinces voisines, fixe la limite maximale à 85 dB. Ce qui fait dire à M. Picard que «le Québec est laxiste en matière de réglementation sur le bruit en milieu de travail».

Répercussions tragiques

Cette situation a des répercussions très sérieuses, voire tragiques, dans la vie de bon nombre de travailleurs qui exercent leur métier dans des milieux bruyants. Au terme d’études qui ont duré trois ans, les chercheurs sont parvenus à des résultats accablants. Ils présentent ceux-ci dans trois articles parus ou sur le point de paraître dans Occupation Environmental Medicine, Accident Analysis and Prevention et Traffic Injury Prevention.

Non seulement les travailleurs soumis au bruit excessif sont plus souvent victimes d’accidents de travail que les autres, révèlent les chercheurs, mais ils sont plus nombreux à multiplier ces accidents; certains en ont eu jusqu’à cinq, en moyenne, durant leur carrière. Enfin, on a établi que ces travailleurs étaient aussi à plus haut risque d’accident de la route avec blessures.

Surdité et accidents

Lorsqu’un travailleur disposant d’une bonne audition est exposé à un bruit de plus de 90 dB durant sa journée de travail, il court 6,2 % plus de risques que ses collègues d’environnements plus silencieux d’avoir un accident sur les lieux mêmes où il accomplit ses tâches. S’il est atteint de pertes auditives, son risque est de 7 % supérieur.

Au total, sur 43 250 accidents de travail répertoriés, 5?287 avaient été associés au bruit. «Ce qui est particulièrement inquiétant, signale M. Picard, c’est la jeunesse relative des travailleurs. Nous parlons ici d’hommes de 36 ans en moyenne, soumis au bruit pendant 13 ans. Il faut rappeler que les pertes auditives sont permanentes.»

Les résultats de cette étude, concluent les auteurs, «laissent supposer que l’exposition au bruit en milieu de travail augmente significativement le risque d’accident, en plus des méfaits connus du bruit sur l’audition».

Pour Michel Picard, ces trois articles démontrent hors de tout doute que le bruit au travail est un problème négligé. «La technologie existe pour enrayer le bruit en milieu de travail, dit-il. Il ne manque que la volonté politique.»

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