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Le vouvoiement est-il rendu malpoli?

Photo: iStock

Pour interpeller le commis visiblement plus jeune que vous, vous le vouvoyez ou le tutoyez? Lorsque vous rencontrez les membres de la belle-famille pour la première fois, vous les vouvoyez par politesse ou vous les tutoyez par envie de proximité? Pas évidente, la question du tutoiement ou du vouvoiement. Alors, que diriez-vous d’un petit guide pour démêler le «vous» du «tu»? Tour d’horizon de la deuxième personne.

Le vouvoiement est associé à la politesse, à la bienséance et à la distance. Le tutoiement, lui, exprime un sentiment de familiarité, une envie de tisser des liens. Vous avez compris? Super. L’article se termine ici. Merci de votre attention.


C’est une blague. Mais ce serait si simple, non? Eh bien, les différents contextes sociaux auxquels nous sommes exposés ne jouent pas nécessairement avec les mêmes règles. Même s’il permet de créer un sentiment d’intimité entre deux personnes et est très valorisé un peu partout en 2021, le tutoiement peut parfois être mal reçu chez autrui, «comme une invasion dans l’espace personnel», avertit Julie Auger, sociolinguiste et professeure au Département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal.

Selon Mme Auger, le tutoiement peut parfois être perçu comme une non-reconnaissance du statut ou des fonctions de la personne. En raison de la présence accrue du tutoiement dans le marché du travail, le vouvoiement n’est plus le seul acte de respect. «C’est en changement [en ce moment]», souligne-t-elle.

Une question d’histoire

Depuis quand le tutoiement prend-il la place du vouvoiement, alors? C’est dans les années 60 – époque révolutionnaire tant au Québec qu’à travers le monde – que la population québécoise décide de faire un pied de nez au «vous». Associé à l’Église et à un Québec conservateur, le vouvoiement n’a plus la cote et les familles décident de se tutoyer entre elles. «Même [les croyants et pratiquants de] la religion catholique se sont mis à tutoyer Dieu!», explique Julie Auger.

Le tutoiement s’est tellement démocratisé avec les années que certaines personnes sont offensées d’être vouvoyées. Oui, le «vous» envoie un message de politesse, mais surtout une volonté de distance. On utilise la deuxième personne du pluriel pour «quelqu’un avec qui on ne veut [pas] être associé, [avec qui] on ne sera jamais proche», fait remarquer la professeure. Et cela peut être mal interprété par certaines personnes… Surtout lorsqu’il est question d’âge.

Un peu d’espoir

Si vous avez été victime d’un V.P.P. (Vouvoiement Par Politesse) ou d’un V.P.V.S.P.V. (Vouvoiement Parce que Vous Semblez Plus Vieux ou Vieille), vous devez simplement mentionner ce que vous préférez entre le «vous» et le «tu», car vous êtes probablement en position de pouvoir. Tout dépend de la relation que vous souhaitez créer avec l’autre.

Ce qui peut choquer dans un vouvoiement non désiré, c’est le fait de réaliser qu’on est nul autre… qu’un.e adulte. «[C’est le petit] oups, on n’est plus un ado» qui suscite souvent cette réaction de frustration, selon Mme Auger.

Pour Joannie Fredette, directrice de contenu à l’agence créative lg2, le vouvoiement «amène une relation de pouvoir qui [la] dérange», dit-elle. En tant que gestionnaire d’une équipe de créateur.trice.s, le tutoiement est privilégié dans son style de gestion afin de continuer dans une voie progressiste. «Si quelqu’un veut se faire vouvoyer, on respecte ça, admet-elle. On valorise beaucoup l’inclusion et l’innovation, [donc] on veut créer ce climat-là [où] tout le monde se sent acteur de changement.»


Alors, c’est «tu» ou c’est «vous»?

Évidemment, il n’y a pas de règles écrites sur la question de la deuxième personne du singulier ou du pluriel. Cela étant dit, certaines situations peuvent porter à confusion. Petit guide de politesse pour l’utilisation du tutoiement ou vouvoiement avec…

La belle-famille

Pour Angélique, 21 ans et étudiante en communication à l’Université du Québec à Montréal, «ça commence avec le vous, et tranquillement [ça migre] vers le tutoiement. De [son] côté, ça s’est fait naturellement». Pour Julie Auger, c’est à la belle-famille d’établir le pronom qu’elle préfère. Ça peut être au premier contact ou plus tard, quand la famille sent un lien de proximité assez fort.

Les commis

«Quand la personne est clairement de mon âge, je la tutoie», affirme Angélique. Toutefois, dans la situation inverse, elle vouvoie tous les clients, peu importe leur âge. Julie Auger explique que la différence d’âge dans une relation professionnelle peut avoir impact sur le choix du pronom employé.  De ce fait, elle a commencé à vouvoyer les serveurs et vendeurs plus jeunes à compter de la trentaine, afin d’éviter les situations débalancées.

Le corps professoral

Pour Angélique, le tutoiement a pris du temps à s’installer lors de sa première année d’université à distance: «Maintenant, les professeurs veulent qu’on les tutoie [en présentiel], mais à distance, je les ai juste vouvoyés.»

Du point de vue de la sociolinguiste Julie Auger, il n’y a pas encore d’études claires qui montrent que le sentiment de proximité se développe tardivement à distance. En revanche, l’établissement de balises claires dès le départ peut être une bonne pratique.

Les patron.ne.s

Travaillant en restauration, Angélique témoigne du fait que les patron.ne.s sur le plancher imposent rapidement le tutoiement. «On fait tous partie de la même équipe!», souligne-t-elle. Pour Joannie Fredette, le vouvoiement au travail amène une certaine forme de hiérarchie, qui rend difficile l’établissement une relation d’égal.e à égal.e. Même en tant que gestionnaire, elle préfère le tutoiement pour signifier une certaine transparence. «Je veux dire: souvent je réponds [à mes appels] en jogging, y’aura pas de vouvoiement là!»

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