Le Quartier Dix30, un phénomène d’avenir?
Pour plusieurs, Dix30 rime avec magasinage, restos-bars, salles de spectacles…et immense stationnement!
Ce complexe commercial de Brossard a de plus en plus d’alter egos, comme le Centropolis, à Laval, et le Faubourg Boisbriand, sur la rive-nord. Ces développements comportent aussi un volet résidentiel qui promet aux résidants des services de proximité et «un équilibre parfait entre vie urbaine et vie de quartier», selon le slogan de Cité Cosmo, à Laval. Ces nouveaux petits «centres-villes» seraient-ils une solution pour contrer l’étalement urbain et la dépendance à l’automobile?
«Pas vraiment, répond d’emblée l’urbaniste Joël Thibert, aussi instigateur de l’événement Marcher la région, qui a amené cet été un groupe de marcheurs à terminer leur périple de 75 km au quartier Dix30. On remarque que les gens qui habitent dans ces développements y travaillent malheureusement rarement.» Nombreux sont donc ceux qui se rendent au travail en voiture. Mauvaise nouvelle, alors que selon des statistiques de 2006, 70 % des personnes actives de la région métropolitaine se rendent à leur travail en automobile.
Ces développements peuvent cependant avoir une influence sur d’autres types de déplacements, fait valoir M. Thibert. «Les gens de Brossard vont conduire jusqu’au Dix30 au lieu du centre-ville pour magasiner ou s’amuser, ce qui réduira le temps d’utilisation de l’automobile.» C’est une amélioration en soi, «mais ce n’est pas une solution d’urbanisme durable en tant que tel», souligne-t-il.
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D’autant plus que ces développements sont articulés autour des voitures et des stationnements, sources d’îlots de chaleurs… et de nombreuses critiques. «L’intention derrière des projets comme le Dix30 est peut-être bonne, mais il faut regarder l’utilisation que les gens en font : la majorité des gens y vont en automobile, affirme Mark Anto, directeur du développement du Centre d’écologie urbaine de Montréal. Et deux ou trois kilomètres en auto ou à pied, ça fait une grosse différence pour l’environnement. Ce genre de développement est moins pire que ce qu’on faisait il y a 20 ans, mais on peut faire mieux.»
Pour faire mieux, il faudrait d’abord s’assurer d’une plus grande densité de population dans ces quartiers. «Pour qu’un projet soit efficace contre l’étalement urbain, le principe de l’échelle humaine est très important», explique Mark Anto. La recette est simple : des immeubles de deux ou trois étages, une proximité et idéalement une mixité entre les commerces, les services, les pôles d’emplois et les habitations, un milieu de vie pensé pour les cyclistes, les piétons et le transport en commun.
Avec une plus grande densification viendrait un transport actif plus efficace. «Les deux aspects principaux du transport actif sont la convivialité et la proximité, explique M. Anto. Si je dois parcourir 13 km pour acheter une pinte de lait et qu’il n’y a pas de trottoir ni d’endroit sécuritaire pour que je puisse le faire à pied, on est mal parti.»
Une densification difficile à réaliser
Bien que le concept soit alléchant à première vue, il semblerait que la demande pour des unités de condo dans des développements comme la Cité Dix30 ne soit pas au rendez-vous… ce qui rend bien difficile la densification du secteur.
«Dans la Cité Dix30, il y a environ 180 unités de condos de construites, dont 140 sont occupées, affirme Michel Beauregard, dg de la construction au groupe Cholette, entre autres responsable du volet habitation du Dix30 et du Centropolis. Un gros projet domiciliaire était prévu sur le site du Dix30, mais tout a été reporté. Les ventes ne sont pas au rendez-vous.» Au Centropolis, à Laval, la demande est un peu plus forte, le projet plaisant surtout aux retraités, mais sans plus.
«Réussir à avoir une densité de population importante est très difficile», fait valoir le dg au groupe Cholette.
Selon MM Beauregard et Thibert, cela pourrait s’expliquer par le concept de l’œuf ou de la poule : les gens attendent que tout le quartier soit développé et fonctionnel à tous les niveaux avant de vouloir s’y installer, et les villes attendent d’avoir plus de résidants pour instaurer des services adéquats. Résultat : la densification se fait attendre.
«Les gens cherchent aussi à avoir plus qu’un Réno Dépôt et des boutiques branchées près de chez eux; ils cherchent de vrais milieux de vie, en conclut Joël Thibert. Aujourd’hui, on construit tout un quartier de façon instantanée, mais ceux qu’on aime se construisent au fil du temps.»
Le Faubourg Boisbriand, sur la rive-nord de Montréal, propose aussi un concept boutiques et habitations. / Marc-André Thibodeau/Métro
Quelques chiffres
- 35 % des GES émis sont directement liés au transport.
- L’étalement urbain gagne du terrain à Montréal. Pour la toute première fois, plus de résidants vivent à l’extérieur de l’île (1 937 740) que sur l’île (1 886 481), selon le recensement de 2011.
- 31 minutes : c’est le temps moyen que prend l’automobiliste de la région de Montréal pour se rendre à son travail, alors que le quart d’entre eux prend plus de 45 minutes.