La Flouve: Une maison qui traverse les époques
À compter d’aujourd’hui, une semaine sur deux, Métro présente ses coups de cÅ“ur dans les domaines de l’architecture et du design.
Déambuler dans la maison La Flouve, c’est comme passer d’une époque à une autre. Partant d’une petite maison datant de 1811 située à proximité de l’eau dans le quartier Ahuntsic, sur l’île de Montréal, l’architecte québécois de renommée internationale Pierre Thibault a donné naissance à une grande maison-nature ou le 19e et le 21e siècle se côtoient harmonieusement.
«La Flouve, c’est une maison contemporaine qui dialogue avec une maison ancestrale», explique l’architecte plusieurs fois primé qui vient tout juste de publier le livre Les maisons-nature, où l’histoire de neuf de ses réalisations, dont la Flouve, sont racontées et illustrées.
Cette maison unique en son genre appartient à Lise Bissonnette, auteure, ancienne éditrice du quotidien Le Devoir et ancienne directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, et son conjoint Godefroy-M. Cardinal. Ceux-ci avaient d’abord acheté la petite maisonnette, qui leur servait de studio d’écriture. Celle-ci est maintenant une habitation d’un peu moins de 400 m2.
Deux maisons en une
La première idée du duo et de l’architecte fut de construire une rallonge à la maison qui aurait été dans le même style que la construction d’époque. Mais après avoir bien pris connaissance des lieux et du terrain avoisinant, l’architecte a plutôt choisi de construire une deuxième maison de style contemporaine, très ouverte sur la nature, qui serait reliée par un passage vitré, un «cordon ombilical» à la première maison.
«Il y a donc deux maisons sur le site, chacune ayant sa spécificité propre, et qui sont en dialogue», explique M. Thibault. Dans la demeure ancestrale, les poutres de bois sont bien apparentes, les fenêtres sont plus petites et l’ambiance y est feutrée. Un escalier en colimaçon relie le rez-de-chaussée, servant de grande salle de lecture, à l’étage, où se trouve le studio d’écriture.
La maison contemporaine est quant à elle très lumineuse, étant abondamment fenêtrée. À la faveur du dénivelé du terrain, les fenêtres s’élèvent même, sur une face, du rez-de-jardin jusqu’au troisième étage. «À certains endroits dans la demeure, on a presque l’impression de marcher dehors, raconte Pierre Thibault, pour qui l’harmonie d’une maison avec la nature est primordiale. Il faut que la relation avec l’environnement soit la plus fructueuse possible», ajoute-t-il, racontant avoir intégré et orienté la Flouve vers le boisé adjacent et avoir tout fait pour préserver les arbres existants durant la construction.
Comptant une quinzaine de maisons-nature parmi ses réalisations, Pierre Thibault a beaucoup contribué à faire connaître au Québec ce type de construction, qui se veut respectueux de l’environnement.
Uniforme…
Malgré le contraste entre les styles et les époques des deux bâtiments, c’est avec le souci de conférer une certaine uniformité à l’habitation que la maison contemporaine a été pensée. Une logique et des matériaux similaires à ceux de la maison ancestrale se retrouvent en effet dans la nouvelle construction.
Du bardeau de cèdre recouvre les deux unités. Le bois de pin, utilisé dans la première, est aussi très présent dans la deuxième, et les structures de la maison contemporaine sont mises en évidence comme celles de son ancêtre. «L’idée était de construire la nouvelle partie de la même façon que l’auraient fait aujourd’hui les gens qui ont construit la maison au 19e siècle», explique M. Thibault.
… et pleine de diversité
Et bien que la maison se veuille cohérente, Pierre Thibault ajoute avoir beaucoup travaillé afin d’y créer de la diversité. «Les espaces dans une maison doivent être différents les uns des autres, affirme-t-il. Il y a des espaces pour manger, dormir, écrire, lire… On doit créer des espaces qui permettent la meilleure adéquation possible entre la pièce et ce qu’on y fait. Une maison est là pour rendre notre vie encore meilleure.»
Et à en croire le témoignage de Lise Bissonnette dans Les maisons-natures, c’est mission accomplie pour Pierre Thibault. «Aucun endroit n’y est semblable à un autre», raconte Mme Bissonnette, ajoutant en conclusion qu’habiter la Flouve «est un privilège».
Maison-nature : un concept viable en ville
Selon l’architecte Pierre Thibault, le concept de maison-nature est facilement réalisable en ville. «Les cours intérieures sont assez fréquentes à Montréal, souligne l’architecte. Un petit jardin peut condenser la nature. Il suffit d’utiliser cet espace et d’y orienter l’habitation.»
Les Maisons-natures
Pierre Thibault
Aux éditions La Presse