Le fils gai
Dernièrement, une femme est venue me consulter pour quelque chose qui la troublait beaucoup.
Elle a commencé par me parler avec fierté de ses trois enfants, qu’elle a élevés seule, sans l’aide matérielle ou financière de leur père. En tant qu’immigrante, les possibilités qui s’offraient à elle étaient limitées. Elle occupait deux emplois à temps plein. Elle rentrait chez elle pour manger en vitesse après sa journée de travail, avant d’aller faire son quart de soir dans une autre entreprise. C’était le sacrifice qu’elle était prête à faire pour pouvoir inscrire ses enfants à l’université.
Les résultats sont impressionnants. Sa fille est chirurgienne, un de ses fils est un ingénieur de haut calibre et son fils cadet a récemment obtenu une des deux seules places réservées aux étudiants étrangers dans une école de médecine des plus réputées.
Puis, elle en est venue au but de sa visite : son fils qui étudie en médecine vient de lui confier qu’il est gai et qu’il vit avec un homme. Elle était dans tous ses états. Qu’avait-elle fait de mal? Son fils avait-il été victime d’abus? Fallait-il blâmer l’alcoolisme du père biologique? Y avait-il quelque chose à faire pour régler le «problème»?
En tant que psychologue, je travaille avec de nombreux collègues et clients gais. Ils marchent et parlent comme n’importe quel autre être humain, et leur apparence ne diffère en rien de la normale. Je me rappelle une collègue qui m’a annoncé un jour son homosexualité. Elle m’a remercié de ne pas l’avoir jugée. Je lui ai répondu : «Eh bien, personne ne m’a enseigné à être attiré par les femmes. Ça s’est fait tout seul. J’imagine que c’est la même chose pour toi.»
Je sais que dans d’autres cultures, l’homosexualité n’est pas considérée de la même façon qu’au Canada, et je peux me mettre à la place de cette femme qui est venue me voir, et qui a grandi dans un monde différent. Cela dit, l’attrait sexuel n’est pas quelque chose qu’on peut changer. Chez les embryons, il n’y a pas de différenciation sexuelle. Le sexe apparaît graduellement, sous l’influence hormonale, dans le développement du fœtus. Selon toutes les probabilités, ce processus ne se termine pas de la même façon chez tous.
Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, je n’ai pas eu mon mot à dire dans mon développement biologique lorsque ma mère me portait. L’apprentissage et la culture ont un rôle à jouer dans l’identité sexuelle, mais il s’agit surtout de la façon dont les gais se voient et de la façon dont les autres les voient. Nous sommes qui nous sommes, et la plupart d’entre nous choisissent un partenaire sexuel selon ce qui leur semble le plus naturel. Aucune thérapie ne peut changer ça, et aucune n’est de toute manière nécessaire. L’amour, c’est l’amour. Ce n’est pas plus compliqué que ça.
Alors, voici ce que j’ai dit à cette femme : «Rentrez chez vous, téléphonez à votre fils, et dites-lui que vous l’aimez. Puis, continuez d’être fière de lui.»