Pas de téléphone ni de courriel pour recevoir les plaintes au CHSLD Herron
La commissaire aux plaintes locale engagée par le CHSLD Herron en décembre 2017 n’a pas réussi à implanter un processus de plaintes efficace avant la première vague de COVID-19 durant laquelle 47 résidents de l’établissement privé, situé à Dorval, ont perdu la vie.
C’est ce qu’a reconnu la commissaire lundi matin devant la coroner Géhane Kamel, qui préside l’enquête visant à faire la lumière sur les circonstances entourant l’hécatombe survenue au CHSLD Herron au printemps 2020.
De décembre 2017 à mars 2020, la commissaire aux plaintes locale du CHSLD Herron, Marie Amzallag, a collaboré avec le directeur général de l’établissement, Andrei Stanica, pour implanter un processus de traitement des plaintes.
Selon son témoignage, Mme Amzallag a toujours eu de la difficulté à implanter des mesures facilitant son accès auprès des résidents et leurs familles.
«La brochure qui avait été faite en mai 2018 n’était pas adéquate. Je n’ai pas pu avoir de numéro de téléphone où on pouvait me contacter. Mon adresse courriel ne fonctionnait pas. On a essayé trois fois», a-t-elle déclaré.
Comme solution, la commissaire aux plaintes et le directeur général de Herron ont décidé d’installer une affiche, une «boîte à plaintes» et des formulaires à l’entrée de l’établissement. «On avait convenu que la réceptionniste irait vérifier la boîte une fois par semaine et me scannerait la plainte s’il y en avait», a ajouté Marie Amzallag.
Entre le premier avril 2017 et le 31 mars 2018, la commissaire indique n’avoir reçu qu’une seule plainte pour l’établissement privé de plus d’une centaine de résidents. Cela s’explique par le manque de connaissance des usagers et de leurs proches sur le processus de plaintes, a souligné la témoin.
«J’ai bien compris que j’avais été embauchée parce que c’était une obligation de la direction. Maintenant, je n’ai pas réussi à en faire quelque chose de réussi», a affirmé Marie Amzallag à la barre.
Deux fois les mêmes recommandations
Dans son tout premier rapport annuel publié en septembre 2018, Marie Amzallag fait trois grandes recommandations au directeur général pour améliorer l’accès au processus de plainte.
Elle recommande de faire adopter par le conseil d’administration une politique, de faire des activités de promotion de la politique, puis de participer aux rencontres du comité de vigilance et de collaborer avec le comité des usagers.
Or, il n’y avait ni un comité de vigilance ni un comité des usagers en place à Herron à cette époque, lui a fait remarquer la coroner Me Géhane Kamel.
«Si une instance n’existe pas, vous ne pouvez pas lui faire de recommandations. C’est assez étonnant qu’une commissaire ne sache pas que le comité d’usagers a démissionné en bloc», a déclaré la coroner Kamel.
Par ailleurs, aucune des mesures recommandées par la commissaire en 2018 n’avait été implantée en date du 12 juin 2019. En effet, les recommandations du deuxième rapport annuel sont exactement les mêmes que le premier.
Plusieurs relances, selon la commissaire
Marie Amzallag indique avoir relancé plusieurs fois la direction du centre pour mettre en place ses recommandations entre les publications des deux rapports.
«Mais c’est ça qui est un peu étonnant. Si vous avez fait plusieurs relances, pourquoi ça ne se reflète pas dans votre rapport annuel?», lui a alors demandé la coroner Me Géhane Kamel.
Selon Me Kamel, la commissaire aux plaintes locale n’a pas adressé ses recommandations à la bonne personne. De plus, Mme Amzallag aurait dû creuser davantage du côté des comités de vigilance et des usagers, a souligné la coroner.
Les audiences publiques se poursuivront cet après-midi avec le témoignage de la directrice SAPA Brigitte Auger, qui a pris en charge le CHSLD Herron pour le CIUSSS de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal à la fin du mois de mars 2020. Elle est une des deux gestionnaires du CIUSSS rappelées à la barre par la coroner afin de mieux l’éclairer sur certains éléments de la preuve présentés au préalable.