Des organismes environnementaux dénoncent des dégâts à l’écosystème du Technoparc
Aéroports de Montréal (ADM) a fauché des végétaux sur un terrain du Technoparc où vivraient des centaines d’espèces d’animaux, y compris des papillons monarques. Alors que Technoparc Oiseaux et la Coalition verte dénoncent des dégâts importants, ADM se défend en évoquant notamment la présence d’herbe à poux et autres plantes nuisibles.
Le terrain qui faisait anciennement partie du Golf Dorval, connu sous le nom de «champ des monarques», a été défriché la semaine dernière. Les 19 hectares avaient été laissés en friche depuis 2012; les arbustes atteignaient jusqu’à deux mètres de hauteur.
Le champ en question comprenait environ 4000 plants d’asclépiades, selon un mémoire publié en 2021 par Technoparc Oiseaux. Cette plante nourrit les chenilles du papillon monarque, une espèce considérée en voie de disparition par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).
Selon Technoparc Oiseaux, les arbustes rasés auraient aussi servi d’habitat à plus de 160 espèces d’insectes et d’invertébrés ainsi qu’à des petits mammifères qui nourrissaient au moins 150 espèces d’oiseaux recensées sur la plateforme eBird.
«C’est indéniable que des oiseaux ont été tués,» soutient le porte-parole du collectif Technoparc Oiseaux, Benoit Gravel. Toutes les espèces qui nichaient dans les arbustes ont vu leur habitat complètement rasé. Par ailleurs, M. Gravel a remarqué des «nids fauchés au sol.»
Une accusation qu’ADM nie
Alors que la zone a été fauchée le 23 juin dernier, ADM a attendu une semaine pour annoncer que ce terrain du Technoparc serait dorénavant régulièrement entretenu.
Dans un courriel envoyé à Métro, ADM explique que le terrain a été tondu «en raison de la présence d’herbe à poux et d’herbes longues, qui constituent des nuisances.»
L’organisation tient à rappeler qu’il n’y a «pas de champ des monarques à cet endroit précis» et ce d’après la Mission monarque, une plateforme de recensement des papillons.
Cependant, les données de Mission monarque accessibles sur le Web montrent bel et bien la présence de monarques dans ce secteur.
L’an dernier, ADM avait le projet d’accueillir une usine de fabrication de masques chirurgicaux sur le «champ des monarques». Mais après plusieurs consultations publiques tenues par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, un mémoire estime que l’étude menée pour ADM était incomplète, et demandait une nouvelle étude indépendante. L’entreprise de fabrication de masques, une filiale de Medicom, s’était alors retirée du projet.
Par ailleurs, ADM rappelle avoir transformé une autre partie de son terrain en espace protégé, le parc des Sources, en 2021.
La Ville de Montréal avait aussi protégé les terrains lui appartenant au sud du Technoparc. L’attachée de presse de la Ville de Montréal Catherine Cadotte a d’ailleurs insisté sur le fait que «le champ des monarques est extrêmement important pour la biodiversité.» «Considérant que ce terrain n’est pas utilisé actuellement, on ne s’explique difficilement la décision de Aéroports de Montréal de procéder à la tonte d’un terrain important pour la biodiversité,» a-t-elle conclut.
«Un moment critique»
Pour les deux organismes de protection de l’environnement et du Technoparc, ADM a choisi le pire moment pour faucher la zone. Les oiseaux sont en période de nidification depuis le mois d’avril, et ce jusqu’au mois d’août. Il est donc certain que des oisillons se trouvaient dans les nids fauchés, incapables de voler pour s’échapper. «Les seuls oiseaux qui ont survécu sont ceux qui nichaient dans les arbres», explique M. Gravel.
C’est aussi la période qui précède la migration des papillons monarques, qui se nourrissent des asclépiades avant de migrer au Mexique à la fin de l’été. «Est-ce qu’ils vont rester là?, s’interroge M. Fletcher. [Les papillons monarques] vont chercher des sources de nectar pour se nourrir, mais elles ont été éradiquées.»
Plusieurs demandes d’enquête ont toutefois toutefois été effectuées par des citoyens et par Technoparc Oiseaux afin d’établir si cette action est une entrave à la loi sur les oiseaux migrateurs. Un expert sera envoyé pour répondre à cette question.
Par ailleurs, la Ville avait déjà manifesté son intérêt pour la protection de ce secteur et avait indiqué qu’elle souhaitait le transformer en parc naturel. Cependant, l’autorité appartient à ADM et à Transports Canada, bien que ces derniers louent le terrain à ADM. D’après M. Fletcher, les 215 hectares que comporte au total le Technoparc «feraient une merveilleuse zone de conservation». Pour l’instant, seulement quinze hectares ont été protégés par la Ville dans le cadre de ses efforts pour préserver 10% du territoire de l’Île de Montréal.