Agriculture urbaine: de grandes ambitions dans MHM
Le projet d’agriculture urbaine Paysage solidaire porté par l’organisme Y’a QuelQu’un l’aut’bord du mur (YQQ) ambitionne d’être le jardin des banques alimentaires de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.
«L’an passé, pour Paysage solidaire, nous avons distribué une tonne de fruits et légumes à trois banques alimentaires du secteur. Cette année, on veut doubler cet objectif», affirme Daphné Mailloux-Rousseau, directrice générale d’YQQ.
Avec la crise sanitaire et la crise économique, cette dernière juge important que son organisme augmente sa capacité de production pour répondre aux besoins des organismes en aide alimentaire.
«On veut rendre Hochelaga comestible parce que les banques alimentaires ont une incroyable demande», relève Mme Mailloux-Rousseau.
Recrutement massif
Afin de réaliser son objectif de deux tonnes de fruits et légumes cette année, l’organisme est en train de faire un recrutement massif pour constituer son équipe d’agriculteurs, d’agents d’entretien en verdissement et de chargés de projet. Des dizaines de postes seront à pourvoir, indique la directrice générale.
Pour l’augmentation de ses capacités de production, YQQ compte sur ses champs, dont le plus grand s’étend sur 12 000 pieds carrés, une propriété de la Société des alcools du Québec située à l’intersection de la rue Hochelaga et l’autoroute 25.
Le Groupe d’entraide de Mercier-Ouest (GEMO) et Chic Resto Pop font partie des organismes à bénéficier des fruits du Paysage solidaire. Les récoltes qu’YQQ fournit au GÉMO sont redonnées aux usagers de la banque alimentaire du groupe.
«Avec ces récoltes, nos gens à faible revenu peuvent bénéficier principalement de fruits et légumes de qualité optimale. Pour la dernière saison, on a reçu à peu près 350 kilos. C’est très apprécié», reconnaît Yann DesRosiers, directeur général du GEMO.
Point de vue du scientifique
Interrogé sur cette initiative d’YQQ, Éric Duchemin, directeur scientifique du Laboratoire sur l’agriculture urbaine et professeur associé à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), explique qu’il s’agit là de nouveaux projets de ferme que l’on rencontre aussi dans les arrondissements d’Ahuntsic-Cartierville, de Saint-Laurent, dans le Sud-Ouest et ailleurs.
Il précise que ce sont des projets sociaux où l’on change le modèle économique. Ainsi l’organisation va payer les produits pour alimenter d’autres personnes. Donc, note-t-il, on change la façon de financer l’alimentation pour permettre à des personnes vulnérables d’avoir accès à des aliments frais et des légumes frais de proximité.
Des réflexions sont en cours afin de mieux gérer ces initiatives qui sont encore pour la plupart à l’étape de projets pilotes. Les vérifier et les valider pour qu’elles répondent aux bons objectifs, aux bons paramètres et aux bonnes pratiques restent des démarches nécessaires pour le directeur du laboratoire, dont l’objectif est de documenter et d’accompagner le développement de l’agriculture urbaine au Québec et au niveau international.
«Il y a plein de projets comme ça; maintenant, je pense qu’il faut apprendre. C’est notre rôle à nous en tant que laboratoire d’aller chercher les données pour les améliorer et faire en sorte qu’ils réussissent à rendre de manière efficace ces services-là et qu’on réponde aux vrais besoins», préconise M. Duchemin.
Des centaines d’hectares en cour arrière
Le chercheur a tenu à souligner que l’agriculture urbaine n’est pas un phénomène nouveau à Montréal. Toutefois, depuis quelques années, on a commencé à y enregistrer des projets d’envergure et des efforts beaucoup plus axés sur la production alimentaire.
Selon une étude de quatre années menée par le laboratoire, 37% de la population de la région métropolitaine de Montréal pratique l’agriculture urbaine à la maison et ont des potagers domestiques.
Des photographies de potagers en cour arrière dans la ville montrent quelques centaines d’hectares: «Ça produit des aliments pour entre 100 000 et 250 000 personnes durant la saison estivale en fruits et légumes frais», mentionne le professeur.
Il estime que cette production est considérable et sert aussi de dons aux voisins, aux amis et à la famille. L’agriculture urbaine serait-elle une réponse à l’insécurité alimentaire? «On doit réfléchir dans cette optique. On peut faire des projets de fermes urbaines en économie sociale qui vont pouvoir répondre à des enjeux d’insécurité alimentaire.»
Inclusion sociale
Dans son projet d’agriculture urbaine, l’organisme YQQ a commencé cette année la production de semis en intérieur à l’Institut de santé mentale Louis H Lafontaine. Il a également aménagé un atelier de menuiserie pour la fabrication de bacs de plantation.
«C’est intéressant d’avoir des plantations en terre. Mais dans des ruelles, sur des trottoirs, des terrasses, devant des cours d’école, c’est intéressant d’avoir des plantations en bac», commente Mme Mailloux-Rousseau. Elle justifie que cette pratique permet de verdir tout en réduisant les coûts liés à l’excavation de l’asphalte.
Chez l’YQQ, l’agriculture urbaine est aussi un facteur d’inclusion sociale. On y accueille des stagiaires qui proviennent des Centres Jeunesse. «Au lieu d’être des bénéficiaires, ils sont des acteurs qui contribuent au mieux-être de la société», fait valoir la directrice générale.
YQQ est également partenaire du Plan d’action en développement durable du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est-de-l’Île-de- Montréal. Ainsi, il organisera des activités de site de plantation et donnera des ateliers dans plusieurs CHSLD de l’établissement hospitalier.