Vaincre la haine, un graffiti à la fois
Si le rêve d’éradiquer la haine de la planète semble inatteignable, cela ne semble pas arrêter pour autant Corey Fleisher. Le Lachinois de 35 ans dédie tout son temps libre à effacer, un à un, les graffitis haineux qui recouvrent bancs, portes ou édifices montréalais. Le tout, sans frais.
« J’ai un parcours hors du commun. J’ai obtenu un BAC en Étude des Femmes et je faisais du nettoyage commercial les weekends, pour payer mes frais de scolarité. Je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie jusqu’à il y a sept ans, où j’ai vu une croix gammée peinte sur un bloc de béton, sur l’autoroute Décarie », confie le propriétaire de la compagnie Provincial Power Washing.
Déjà tout équipé pour la tâche avec des machines à pression, il n’a pu réprimer l’envie d’effacer le dessin antisémite. « Un sentiment euphorique m’a envahi à ce moment et j’ai su que je voulais reproduire l’expérience » ajoute-t-il.
Il a même mis de côté ses passe-temps habituels, tels que le hockey et le softball, pour parcourir les rues en quête de graffitis à effacer.
Phénomène en croissance
Il ignorait l’ampleur de la tâche. Le nombre de dessins effacés est passé d’une cinquantaine pour les cinq premières années de son entreprise, il y a 7 ans, à près de 300 l’an dernier.
« Je ne dors presque plus, je n’ai pas le temps d’avoir une relation, je suis complètement accroc. La haine de certaines personnes mène leur vie et détruit celle de ceux qui les entourent. Je ne peux laisser passer ça », confie-t-il.
Il s’efforce, un dessin à la fois, d’effacer cette intolérance après avoir sillonné les rues et les ruelles, surtout la nuit.
« Avant que je publicise mes services, les gens ne savaient simplement pas quoi faire. Ils étaient dérangés par cette violence, mais ils choisissaient de ne plus la voir », explique le bon samaritain.
Lui-même juif, il hésite à admettre que la plupart des graffitis soient antisémites. « Je ne voudrais pas que les gens pensent que j’exagère la situation, mais je dois admettre que je retire plus rarement des graffitis homophobes ou racistes », explique M. Fleisher.
Les demandes proviennent non seulement des personnes visées par les graffitis, mais aussi par des gens qui se sentent offensés. Bien qu’il soit associé avec l’organisation juive B’nai-B’rith, des citoyens de toutes les origines font maintenant appel à ses services, car rares sont les compagnies prêtes à intervenir.
« Des citoyens m’ont appelé un vendredi après n’avoir obtenu aucune réaction de leur arrondissement alors qu’ils avaient rapporté le méfait le lundi. Si je n’y étais pas allé, il serait encore là, peut-être », indique M. Fleisher.
Une fois qu’il aura terminé à Montréal, il a l’intention de s’attaquer aux rues de Toronto. Corey Fleisher sait maintenant quelle est sa mission. Il veut créer un mouvement mondial où d’autres entrepreneurs suivront son exemple en donnant de leur temps pour que la paix revienne, du moins sur les murs de leur voisinage.