L’été de tous les défis au Marché Jean-Talon
Doute et incertitude: après deux années de défis, les commerçants du Marché Jean-Talon doivent maintenant composer avec les aléas de la pandémie. Certains d’entre eux se questionnent sur la capacité de l’institution à se relever.
Pour sa saison estivale, le fameux marché de La Petite-Patrie limitera les entrées et contrôlera les déplacements en son sein. Ceux qui ont commencé à s’installer à leurs kiosques ont déjà observé des achalandages «inquiétants».
«Avec l’achalandage qui va être contrôlé, la rentabilité va être plus dure à atteindre», observe Pierre-Paul Lacroix, copropriétaire des Serres R. & F. Lacroix.
Le producteur s’inquiète des remous subis lors des deux derniers étés, alors que les kiosques disparaissaient au Marché et que le conseil d’administration des marchés publics était mêlé à la justice.
«Avant ces deux ans-là, on n’aurait jamais vraiment pensé aller ailleurs. Mais depuis, on est en réflexion pour trouver d’autres points de vente.» – Pierre-Paul Lacroix, copropriétaire des Serres R. & F. Lacroix
La propriétaire de la Ferme René Lussier, France Bisson, est sans équivoque: les mesures sanitaires auront un impact sur les recettes des marchands.
«Ça brasse beaucoup au marché. Encore plus cette année, il y a beaucoup de brouhaha. J’ai entendu des collègues dire qu’ils ne reviendraient pas», affirme-t-elle.
Le Marché Jean-Talon s’est maintes fois retrouvé sous le feu des projecteurs depuis l’été 2018. L’élimination de places de stationnement pour installer une place publique avait alors soulevé l’indignation chez certains.
L’été dernier, le Marché avait dû composer avec plusieurs échoppes vides. Quelques mois plus tard, les membres du C.A. de la Corporation de gestion des marchés publics de Montréal (MPM) démissionnaient en bloc, évoquant des craintes pour leur «intégrité personnelle».
Une enquête policière avait même été ouverte pour faire la lumière sur les circonstances de ces départs.
Quel avenir pour la Corporation?
Myriam Binette, qui possède un kiosque fleuriste à Jean-Talon, ne craint pas pour l’avenir du Marché.
Elle invite toutefois la Ville de Montréal a sérieusement considérer la prise de contrôle des marchés publics de la métropole.
«Les marchands n’ont peut-être pas la compétence de gérer des millions de dollars, ce que représentent les marchés publics de Montréal quand même. La Ville, en ce moment, est comme le grand-père qui regarde son petit-fils marcher tout croche», signifie-t-elle.
Des difficultés en vue
Le nouveau directeur général par intérim des MPM, Nicolas Fabien-Ouellet, convient que l’offre de certains commerçants du Marché – comme ceux qui servent habituellement les touristes – s’avère «plus difficile» par les temps qui courent.
«L’été commence, c’est une autre période d’adaptation. Il y a du changement pour les consommateurs et les marchands, une autre fois», avance M. Fabien-Ouellet.
Le porte-parole de la Corporation invite les vendeurs à utiliser les programmes de livraison mis en place sur le marché afin d’atténuer les effets de la crise sanitaire.
Mais si les producteurs des marchés Atwater et Maisonneuve sont au rendez-vous, le portrait n’est pas aussi rose à Jean-Talon, admet M. Fabien-Ouellet. «Il y en a qui ont une certaine crainte, mais on s’attend à voir plus ou moins les mêmes marchands que l’année passée», lance-t-il.
De possibles impacts sur la main-d’œuvre
En plus de constater des défis liés à la circulation à l’établissement montréalais, Myriam Binette évoque d’importants besoins de relève pour cet été.
«Le manque de personnel nous touche aussi. On peut gagner la [Prestation canadienne d’urgence] pour 2000$ par mois sans se mettre à risque. C’est sûr qu’il y a une peur», soutient-elle.