Des Turques dénoncent un «discours haineux» de Lambropoulos
Des associations turques jugent inacceptables des propos tenus par la députée fédérale de Saint-Laurent, Emmanuella Lambropoulos, à l’occasion d’une manifestation qui a eu lieu début novembre. Ces associations estiment que la politicienne a fait référence à la nation turque avec le terme «ennemi».
Dans les dernières semaines, plusieurs manifestations ont lieu à Montréal et à Laval pour soutenir la communauté arménienne. Le Haut-Karabakh, territoire majoritairement peuplé d’Arméniens, a été attaqué par l’Azerbaïdjan avec la collaboration de la Turquie.
Durant une manifestation qui avait lieu devant la mairie de Saint-Laurent, la députée Lambropoulos a été invitée à prendre la parole.
«En tant que Grecque, je sais comment on se sent lorsqu’on est assis ici et qu’on est sans espoirs devant des ennemis qui sont plus forts et plus gros et plus intimidants, a-t-elle affirmé. Je sais ce que c’est de vivre ici à distance, de ressentir cette absence d’espoirs et je sais que cela garde plusieurs d’entre vous réveillés la nuit.»
Elle a poursuivi, disant qu’«en tant que représentante du gouvernement, je suis ici pour vous, pour votre communauté. Si jamais vous voulez exprimer vos besoins, je suis là pour vous écouter».
Ces propos ont été captés sur vidéo.
Rabiye Sag, présidente de l’Association des femmes turques de Montréal, peine à concevoir que la députée a utilisé le terme «ennemi». «Quand je l’ai entendu, je me suis dit : ‘‘Est-ce que je me trompe? Est-ce que j’ai mal entendu?’’. J’ai réécouté. Je me suis dit: ‘‘Non, ça ne se peut pas. Il faut faire quelque chose’’», raconte Mme Sag.
«Nous, ici, on ne représente pas le gouvernement turc, on ne représente pas Erdogan.» -Rabiye Sag
Même des membres de la communauté arménienne auraient contacté Mme Sag pour se distancier de ces propos.
«On n’a jamais entendu de discours haineux [à notre égard] à Montréal. Je pense que c’est une première», indique-t-elle.
La commotion a été telle que plusieurs associations ont joint leur nom à des lettres qui doivent être acheminées au premier ministre Justin Trudeau, au ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, ainsi qu’à Mme Lambropoulos. Elles demandent des excuses.
Marcher sur des œufs
La formation de Justin Trudeau semble vouloir se distancier des propos tenus par la députée laurentienne.
«Les députés sont libres de participer à des rassemblements dans leur circonscription. Mme Lambropoulos a participé à cet événement en tant que députée de Saint-Laurent et non en tant que représentante officielle du gouvernement», a fait savoir l’attachée de presse du ministre des Affaires étrangères, Syrine Khoury.
Ottawa assure que cela ne représente pas sa position officielle dans ce dossier.
«C’est le gouvernement canadien qui paie son salaire, pas la Grèce», tranche Mme Sag.
Sans fondements
Les associations turques font fausse route, dit la politicienne. «Je n’ai aucunement mentionné la Turquie ou l’Azerbaïdjan dans mes propos, rétorque Mme Lambropoulos, ajoutant qu’elle faisait plutôt référence à des moments marquants de l’histoire grecque.
En aucun temps, elle n’a voulu blesser qui que ce soit. «Il n’y avait vraiment rien de haineux dans ce que j’ai dit, selon moi», insiste la députée, qui affirme qu’elle ne s’excusera pas publiquement.
Nombreux déboires
La députée Lambropoulos a été critiquée publiquement à quelques reprises depuis son élection.
- La famille Lambropoulos a fait sa place dans l’association locale de circonscription (ADC), au grand déplaisir de plusieurs membres de longue date. L’indépendance de l’association a été remise en question.
- Même avant d’être adoptée, le projet de loi 21 visant à laïciser l’État québécois a fait couler beaucoup d’encre au Québec. Mme Lambropoulos l’avait comparée à la ségrégation, suscitant de vives réactions.
- La proximité entre le Conseil jeunesse de Saint-Laurent et l’ADC avait soulevé des questionnements sur l’éthique de la députée. D’anciens membres estimaient que le Conseil avait pris des allures partisanes.
- Il y a quelques mois, le gouvernement turc a autorisé la conversion d’un immeuble patrimonial à Istanbul, ce qu’a dénoncé la politicienne qui avait publié un communiqué pour s’opposer à cette décision. Une pétition citoyenne a été lancée par la suite, estimant que les propos de l’élue étaient inappropriés.