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Corso Jean-Talon: un fiasco selon les commerçants

Corso Jean-Talon: un fiasco selon les commerçants
Paul Micheletti, président de la SDC Jean-Talon, devant le corso. Photo: Félix Lacerte-Gauthier

Inauguré il y a un an, le corso de la rue Jean-Talon Est devait être une installation permanente. Or, il sera finalement démantelé cet automne. Pour les commerçants, il s’agit d’un échec qui était prévisible.

«On n’a pas encore fait de bilan à l’arrondissement, on fera une évaluation au cours de la prochaine semaine. On va compiler les commentaires pour en avoir un portrait plus clair. C’était un essai», souligne le conseiller de ville Dominic Perri. Il ajoute néanmoins que cette placette publique créée pour dynamiser l’artère commerciale principale de Saint-Léonard a fait l’objet de nombreuses plaintes.

Rien n’est encore certain pour la suite. Un retour l’été prochain n’est même pas assuré, alors que les travaux du prolongement de la ligne bleue devraient bientôt commencer. Le corso devait pourtant rester sur la rue Jean-Talon Est, été comme hiver.

«Les gens cherchent des lieux où ils peuvent s’assoir. Le plus grand problème, c’est que ce n’est pas un lieu qui est attrayant. Ce n’est pas un corso. Le corso, c’est ce qu’on avait originalement dessiné.», dénonce M. Micheletti, président de la Société de développement commercial (SDC) de la rue Jean-Talon Est.

Pourtant, à pareille date l’an dernier, il se montrait plutôt optimiste. La SDC essayait d’ailleurs d’en vendre les bienfaits aux commerçants de la rue et y organisait divers événements pour tenter de l’animer. Dès son implantation, le corso suscitait néanmoins la grogne des commerçants du secteur.

Une occasion manquée selon lui, alors que son organisme avait mis des efforts pour que ça puisse fonctionner. Il craint que l’inévitable constat d’échec soit mis sur la faute des commerçants, se disant néanmoins déçu que l’expérience n’ait pas fonctionné.

De nombreux opposants

Propriétaire d’un immeuble sur la rue, Olga La Rocca avait lancé une pétition pour faire valoir l’opposition des propriétaires de Jean-Talon Est au corso.

«Je comprends qu’ils veulent faire ça en beauté, comme la promenade Fleury. Mais c’est un autre style de vie. La rue Jean-Talon attire d’autres types de commerçants, il n’y a pas la même dynamique.»

Elle déplore que l’installation cause des maux de tête aux automobilistes, en plus d’occuper de nombreuses places de stationnements, et dénonce un manque d’écoute de l’arrondissement. Pour elle, un tel équipement pourrait fonctionner dans le cadre d’un réaménagement, après la venue du métro, mais pas de sitôt.

«On est éloigné de tout. Ça prend l’auto pour se rendre sur Jean-Talon. Ce n’est pas le corso qui amène les gens sur la rue. Ils y viennent parce qu’ils ont déjà des relations avec les commerçants», juge-t-elle.

Une popularité mitigée

Sur place, au passage de Métro, seul un couple utilisait l’espace, malgré une chaude journée ensoleillée. Une situation n’ayant rien d’exceptionnel selon les différentes personnes rencontrées, qui remarquent que l’installation est souvent vide.

Les commerçants rencontrés semblaient également plutôt mitigés quant à son utilité.

Robert Spiridigliozzi, propriétaire du Café Buongiorno, souligne que sa clientèle aimait bien utiliser le corso pour y manger. «Le stationnement n’est pas vraiment un problème, on ne perd pas grand-chose. Mon style de café attire aussi plus des gens à pied.»

Son voisin, Rachidi, au magasin Rada Technologie, juge pour sa part que l’aménagement cause bien des mots de tête à sa clientèle. «Les ordinateurs peuvent être lourds. Ça devient compliqué s’il faut marcher plusieurs centaines de mètres. Certains repartent parce qu’ils ne peuvent pas trouver de place.»

Sahmine Adel, propriétaire du marché Les délices d’Adel, croit de son côté que le site a du bon pendant la période estivale. Les mauvais côtés prennent cependant rapidement le dessus à ses yeux pendant l’hiver.

Des problèmes précédant la crise

Évidemment, la pandémie a forcé la majorité des commerçants à se mettre sur pause, et la reprise demeure encore lente.

«La COVID ne nous aide pas, reconnait M. Micheletti. Mais les problèmes sur la rue étaient déjà là avant le confinement.»

Déjà, en janvier, le taux de locaux vacants sur l’artère s’élevait à 13 %, un pourcentage bien au-dessus de ce qui est considéré comme normal selon la Ville.

Dès 2014, la Ville présentait une première version d’un projet de réaménagement de la rue. En 2017, un projet dont les coûts étaient estimés à 15 M$ était lancé. L’année suivante, celui-ci a toutefois été annulé en raison de l’annonce du prolongement de la ligne bleue.

Un bilan pas seulement négatif

À l’arrondissement, on rappelle que dès l’installation du corso, qui a été effectué en collaboration avec la SDC Jean-Talon, l’objectif était de recueillir des renseignements, qui serviraient ensuite lors du projet de réaménagement permanent de la rue. L’installation avait aussi pour but d’augmenter l’achalandage sur l’artère.

«Nous aurions espéré un fort consensus autour de ce projet. Nous avons d’ailleurs été surpris de la réticence des commerçants, puisque cet enjeu ne nous avait pas été soulevé par la SDC Jean-Talon», indique par courriel Julie Blais, chargée de communication à l’arrondissement de Saint-Léonard.

Elle ajoute que l’arrondissement a pu obtenir les informations qu’il désirait et qu’un bilan complet sera effectué au mois de novembre.

«Pour l’instant, nous avons surtout noté les enjeux portant sur la consultation des commerçants et propriétaires et des espaces de stationnement», ajoute Mme Blais.

Elle rappelle que le corso a néanmoins connu plusieurs difficultés lesquelles ont contribué à cet état de fait, dont autour de l’appel d’offres pour sa construction, et que cette année, les mesures sanitaires ont contribué à sa sous-utilisation.

«Rappelons toutefois que plusieurs belles activités se sont tenues sur cette place publique grâce à la collaboration des commerçants, de la SDC et des organismes. Nous continuons donc à percevoir le potentiel de ce type d’aménagement », conclut Mme Blais.


Ce qu’est le corso

Placette publique inspirée de ce qui se fait en Italie, le corso avait pour objectif d’offrir aux passants un endroit où ils pourraient s’arrêter et se prélasser.

À l’hiver 2019, l’arrondissement avait lancé l’idée, afin d’agrémenter la rue Jean-Talon Est en attendant un réaménagement de plus grande envergure qui serait fait en parallèle de la venue du métro. Le corso devait servir de ballon d’essai pour l’éventuelle refonte de l’artère.

Devant être mis en place pour le début de l’été 2019, ce n’est qu’en septembre qu’il a finalement été installé.

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