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« Je suis un nomade, un solitaire, avec une canne » José, sans-abri

José portrait
José, ancien militaire de 63 ans qui campe sur les bords du Canal Lachine. Photo: Métro

On parle souvent d’eux, mais on ne s’adresse pas souvent à eux. Ces gens qui ont fait le choix de dormir dehors. Est-ce vraiment un choix? José, lui, a décidé de vivre seul dans sa tente. Une décision que l’ancien militaire de 63 ans s’est imposée après une série de logements perdus et de nuitées en motels.

En mai 2021, José a planté son trailer et son vélo sur les bords du canal Lachine, sur le terrain d’un immeuble. Une entente verbale avec le propriétaire lui concède cet espace le temps que sa situation se replace.

Le campement de José.

Huit mois, plus tard, il est toujours là. « Petit à petit, j’ai acheté tout mon équipement. Un poêle à gaz, un matelas isolant contre le sol froid… Les gens du voisinage m’apportent régulièrement de la nourriture et des vêtements chauds », raconte-t-il. 

Cette semaine, les températures ont atteint les -35. Il y a deux jours, un itinérant est décédé dans son campement. Ce décès a lieu moins de deux mois après la mort d’Elisapie Pootoogook, une itinérante inuite retrouvée morte dans un chantier près du Square Cabot. «Je ne comprends pas.  Il a mal joué son coup, mal calculé son affaire. Moi, j’ai des chauffes pieds et chauffes mains contre les engelures » explique José.

Selon Jeremy Mainguy, conseillé expert en camping d’hiver au magasin La cordée, « le camping d’hiver se fait bien, à condition d’être correctement équipé. Pour survivre aux grands froids, cela prend un bon sleeping bag d’hiver, en duvet ou synthétique. Il faut aussi être bien isolé du sol, sinon on perd notre chaleur. Des matelas sol isolés, gonflables ou en mousse pliables font très bien la job ». 

Tous les jours, José part faire son épicerie et acheter son journal. « Je me fais des soupes instantanées que j’achète au Dollarama » lance-t-il. Connu dans le quartier, le voisinage n’hésite pas à lui apporter des bons d’achat et des carte-cadeaux. « Un monsieur m’a donné ma tente, un autre m’a offert un manteau North Face…Chaque matin, un gars de la construction qui travaille autour m’apporte mon café Tim Horton » raconte-il. 

Malgré son aire de bonhommie cette situation, il ne l’a pas souhaitée, ni prédit. Ce moment où tout bascule dans une vie arrive souvent très rapidement. Et la frontière entre avoir un toit et être à la rue est mince.  

Coupé de sa famille, cet ancien résident de l’arrondissement LaSalle a décidé de s’installer au centre-ville, il y quelques années, où s’est accumulée une avalanche de malchances. José s’est fait frapper par une voiture et perdu la moitié de ses dents. Sa jambe gauche ne tient plus que par des broches et des pansements. Heureusement, sa canne l’aide à se tenir debout. « C’est pas parce que j’aime mieux vivre dehors! lance-t-il. J’espère bien avoir un appartement social un jour. Enfin, le plus tôt possible. Je suis sur une liste d’attente. Mais comme je suis d’origine équatorienne, je ne pense pas être en tête des priorités…». 
Le temps d’obtenir un toit risque de lui faire passer encore de longues nuits froides sous sa tente. 

«Je suis un indépendant, un nomade et un gars de solitude. J’ai un vieux cellulaire, un DVD, des chauffes pieds-mains. J’ai une lampe solaire qui tient 2 heures et que je peux recharger dans l’immeuble d’à-côté. J’ai aussi accès aux toilettes des chantiers. Pour les douches, il y a des organismes dans le Sud-Ouest. » raconte-il. Beaucoup de personnes qui vivent dehors refusent d’être hébergées ou d’aller dans des refuges. Souvent par choix. «C’est full de COVID-19! Je me débrouille très bien tout seul ici», lance le campeur.

Il n’empêche que l’insécurité, surtout en hiver où la nuit est un facteur d’anxiété supplémentaire pour les sans-abri, rôde comme un loup. «Dans différents secteurs de la ville, jour et nuit, nous avons des patrouilleurs qui se rendent sur les campements pour vérifier si tout se passe bien. C’est le côté humain qui passe avant tout» soutient l’agent Jean-Pierre Brabant du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

«En général, les gens sont généreux, mais cela dépend toujours de comment le monde réagit avec le monde» conclut José.  

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