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Grève du communautaire: le coup de gueule des organismes locaux

Des organismes communautaires de Lachine ont manifesté dans l'arrondissement. Photo: Métro Média - Alexandre Sauro

Plusieurs centaines de groupes communautaires de Montréal se mobilisent cette semaine pour demander au gouvernement provincial un meilleur financement. Pour comprendre la situation vécue dans les organismes du quartier, Métro est allé à la rencontre de quelques-uns d’entre eux.

«On marche pour soutenir les organismes qui ont besoin de fonds et qui n’arrivent pas à assurer leurs services. On a surtout besoin de logements et d’intervenants pour venir en aide aux personnes itinérantes», soutient l’intervenant psychosocial au Groupe d’entraide Lachine, Christophe Lemieux.

Pandémie et précarité

«La précarité est toujours de plus en plus grande», déplore la chargée de communication à l’organisme d’aide alimentaire Resto Plateau, Natacha Gwizdalla.

Avec la pandémie, plusieurs acteurs du milieu évoquent une intensification de problématiques qui sévissent depuis de nombreuses années.

«Il y a un manque de financement qui se combine au besoin accru de la population. Les gens sont plus précaires, il y a une explosion du nombre de personnes en situation d’itinérance ou à risque de l’être. Au Centre des femmes de Verdun, on le ressent vraiment. La communauté avec laquelle on travaille est beaucoup plus précarisée», confirme l’intervenante en action communautaire au Centre des femmes de Verdun, Emmanuelle Bonneau-Lebleu.

Plusieurs témoignent de l’adaptabilité des organismes communautaires qu’ont demandée les restrictions sanitaires, au moment où ceux-ci ont été considérés comme essentiels.

Le chargé de projet à la Corporation de développement communautaire (CDC) de Pointe-Saint-Charles, Action-Gardien, Charles-Étienne Filion, souligne le fait que les organismes communautaires du quartier ont dû se réinventer pendant la pandémie pour rejoindre les populations vulnérables.

«Se réinventer comme ça en pleine pandémie alors que chaque travailleur avait sa propre situation personnelle et familiale, ça a été très demandant et c’est là qu’on voit qu’il y a aujourd’hui un sentiment d’épuisement généralisé dans les organismes communautaires.»

Une situation qu’a également vécue le centre de femmes Madame prend congé, à Pointe-Saint-Charles, qui a constaté la difficulté de rejoindre certaines communautés pendant la pandémie, notamment en raison de la fracture numérique. «La majorité de nos femmes, et des membres des groupes du quartier, n’ont pas accès aux moyens technologiques. On a essayé de maintenir des ateliers en Zoom […] ça nous a vraiment épuisés et aussi les participants. Ça creuse vraiment les inégalités», indique l’adjointe à la coordination Julie Krempp, en ajoutant que la situation d’isolement a été particulièrement difficile pour certaines femmes du quartier.

Même scénario dans l’est de l’île de Montréal. «Il y a un essoufflement général du milieu communautaire. Ce dernier a été sursolliciter pendant la période pandémique. Il y a un manque de reconnaissance de la part des différents pallier sud gouvernement.» lance le directeur général de Solidarité Mercier-Est, Taï Cory.

«On a un financement à la mission qui est jamais suffisant. Les indexations qui sont faites ne correspondent pas à la réalité du quotidien. Difficile avec un financement par projet d’avoir une certaine pérennité au niveau de nos actions, mais également au niveau de notre personnel. Il une précarité à l’emploi associé à l’ensemble de postes reliés au communautaire qui fait que ce n’est pas évident pour notre milieu.»

Du côté d’Hochelaga-Maisonneuve, la directrice générale de La Table, Amira Beghdadi, ne baisse pas les bras.

«On a l’espoir avec le momentum de l’approche des élections à réclamer au gouvernement l’augmentation du financement à la mission. On ne baisse pas les bras et on réclame plus. Après avoir passé deux ans de pandémie, le milieu communautaire est essoufflé et tanné.»

«Dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, il y a beaucoup d’organismes communautaires. Il y a des besoins très importants au niveau de la population qui a été beaucoup plus vulnérabilisée avec la pandémie. On a un besoin de reconnaissance de tout ce qui a été fait durant ces deux dernières années.»

Pénurie de main-d’œuvre

«À cause des conditions salariales, mais aussi de la pression, on a du mal à garder les gens parce que les forces s’épuisent. Il y a un vrai problème de santé mentale dans la population, mais aussi chez les travailleurs du quartier», explique Julie Krempp, en précisant que l’organisme est en ce moment en manque de trois employés. 

Pour symboliser le manque de main-d’œuvre, les différents organismes de Pointe-Saint-Charles ont découpé des silhouettes rouges en carton, qui seront disposées sur les vitrines et fenêtres pendant toute la semaine de grève.

Sur le Plateau, beaucoup d’employés du communautaire sont en congé de maladie pour cause d’épuisement. Dans les pires semaines, il y avait en moyenne 5 à 20 postes à pourvoir dans les 60 organismes partenaires de la CDC Plateau-Mont-Royal. 

Les organismes de Pointe-Saint-Charles, à l’instar de Madame prend congé, ont découpé des silhouettes qui symbolisent le manque d’employés.

Des aides temporaires

Si des aides temporaires et d’urgence peuvent être attribuées aux organismes, ces derniers dénoncent le manque d’accompagnement financier sur le long terme.

Plusieurs des organismes interrogés par Métro mentionnent l’accroissement des financements à court terme, ou destinés à une mission précise. Ce qui, comme l’explique Julie Krempp, rend difficile la mise en place d’activités à long terme pour les populations vulnérables, ce qui peut être un frein à la stabilité de l’aide donnée. 

Pour l’agent de liaison à la CDC Plateau-Mont-Royal, Guillaume Grenon, le fait que l’État encourage les financements venant de partenaires et destinés à une mission précise «crée une fragilisation des milieux communautaires». À la suite de cette semaine de grève, les organismes espèrent convaincre le gouvernement de débloquer des fonds pour le communautaire, qui s’élèveraient à la hauteur de de 460 M$ par année pour l’ensemble du Québec.

Au sein des groupes de quartier, les impacts du sous-financement et de la pandémie se font sentir. Jusqu’au 24 février, plusieurs de ces organismes ont prévu diverses actions afin d’interpeller le gouvernement québécois.

Avec la collaboration de Katrine Desautels, Quentin Dufranne, Jason Paré et Alexandre Sauro.

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