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Quand l’idiot du village devient dangereux

Frédéric Bérard

Depuis déjà un sacré bout de temps, Maxime Bernier fait partie du décor politique canado-québécois. Une longévité inversement proportionnelle à un quelconque mérite.

Famous for being famous, pourrait-on dire.

Parce qu’entre vous et moi, si je vous demande de nommer une seule réalisation de Bernier, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit? Prenez le temps de chercher, suis pas pressé.

Et?

À part les niaiseries, je veux dire? Une réalisation de semi-envergure, disons. N’importe quoi. Non? Toujours pas?

Maxime Bernier
Maxime Bernier

Il a pourtant été ministre d’État aux Petites Entreprises, au Tourisme et à l’Agriculture, ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Industrie, et maintenant chef d’un récent parti qui, au cours de la dernière partielle dans Burnaby-Sud, a obtenu un étonnant 10,6 %. Alors? Bon OK, on oublie ça.

Je ne vous blâme pas, remarquez bien. Parce qu’après avoir cherché, non seulement dans ma tête, mais aussi sur le web, je ne trouve… rien.

Sauf les bêtises, bien entendu.

Et ça, par contre, hilalala. Un char pis une barge. Difficile, en fait, d’en assurer la nomenclature. Mais on y va.

D’abord, alors qu’il était conseiller au bureau de l’érudit Bernard Landry (impossible pour moi de concevoir ce mariage professionnel), Bernier lance, tout de go, que ce serait une bonne affaire d’abroger la Loi 101, une loi… inutile.

Pour un péquiste, même d’occasion, on parle ici du plus bel oxymore de tous les temps.

Devenu ministre, son séjour aux affaires étrangères se déroule également dans la veine du surréalisme, livrant aux soldats en Afghanistan, sourire niais aux lèvres, des tonnes de… Joe Louis.

Même s’il se veut en charge de la complexe affaire du rapatriement d’Omar Khadr, le bureau du premier ministre Harper, constatant que le gaffe-ô-mètre se trouve dans le tapis, le remplace pour toute question à cet égard.

S’ensuit une bourde qui forcera ce même Harper à le «démissionner», soit l’oubli de documents ultra-méga-confidentiels chez sa copine Julie Couillard, acoquinée avec les Hells Angels.

Allô, la jugeote.

Mais nous n’avions, contre toute attente, encore rien vu.

«Pendant de (trop) nombreuses années, Maxime Bernier assurait avec brio le rôle de l’idiot du village de la politique canadienne.»

Dans une course au leadership du Parti conservateur, pour laquelle il part premier (cela donne une idée du calibre des autres candidats), Bernier multiplie les coups d’éclat intellectuels, d’abord en se faisant passer pour «le Pokémon de la liberté», invitant les électeurs à jouer à la cachette avec lui, et à le dénicher à divers endroits à Ottawa et, par la suite, en se déguisant en «Mad Max», placardant ses belles photos de robot un peu partout.

On pourrait aussi mentionner son jingle de campagne, mais passons.

En bref, et pendant de (trop) nombreuses années, Maxime Bernier assurait avec brio le rôle de l’idiot du village de la politique canadienne. Le Ti-Coune du Temps d’une paix. Pas dangereux, juste idiot, et donc comique par moments.

Mais le truc s’est gâté.

Battu de justesse au leadership conservateur (bravo à sa position sur l’abolition des quotas dans l’agriculture), Bernier délaisse depuis son rôle d’idiot pour jouer dorénavant celui du… méchant, voire du fou furieux.

Et les exemples sont nombreux: multiplier les photos avec les néo-nazis; refuser de présenter ses condoléances aux familles des 60 musulmans assassinés dans la tuerie néo-zélandaise, au motif qu’il ne commente pas les affaires internationales, tout en voulant devenir premier ministre du… Canada; balancer de sales idées dans la tête de gens vulnérables, notamment que le Canada serait victime d’immigration de masse; remettre en question les acquis sur le droit à l’avortement; y aller de commentaires sexistes sur l’absence de femmes en politique; embaucher comme candidats-vedettes des débiles légers comme Ken Perreira, lequel dit croire aux extra-terrestres et aux reptiliens; nier les changements climatiques et donc la science, sans contre-preuve.

La dernière? S’attaquer personnellement à Greta Thunberg, laquelle serait «clairement mentalement instable, autiste, mais aussi obsessive-compulsive, trouble alimentation, dépression léthargie.»

De quoi rappeler le livre de recettes d’un autre idiot devenu, contre toute attente et en peu de temps, délétèrement dangereux…

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