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Doit-on craindre une récession en 2022?

Maude Gauthier - Collaboration spéciale

L’économie canadienne tourne à plein régime. Taux de chômage historiquement bas et indice élevé des prix à la consommation en font foi. La hausse persistante des prix, la guerre en Ukraine et le resserrement monétaire de la Banque du Canada vont-ils provoquer un ralentissement de la croissance économique canadienne? Probablement pas en 2022, mais les experts gardent l’œil ouvert sur 2023.

Contrôler l’inflation sans engendrer de récession

La poussée inflationniste actuelle est expliquée par plusieurs facteurs, dont les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement et les taux d’intérêt historiquement bas qui ont stimulé l’économie pendant le creux de la pandémie. «L’inflation cause une baisse généralisée du pouvoir d’achat des citoyens, ce qui engendre une pression à la baisse sur le volume des dépenses et affecte la demande à la baisse», explique Pascal Bédard, maître d’enseignement à HEC Montréal. Le défi de la Banque du Canada, tout comme de la Réserve fédérale américaine, est de relever son taux directeur pour juguler l’inflation sans nuire à la croissance économique. Une hausse des taux d’intérêt calme normalement la consommation et la frénésie immobilière. Cela a «un effet baissier sur la demande, et donc sur la production», poursuit-il. Une diminution de la production est synonyme de ralentissement économique.

Prévoir l’imprévisible

Selon Pascal Bédard, le contexte actuel en est un de surchauffe, comme en témoignent les indicateurs de marché du travail. «Nous pouvons encore augmenter la production un peu pour un ou deux trimestres, mais nous sommes près du maximum, donc la croissance va ralentir. Le risque de récession est donc faible pour 2022, mais élevé pour 2023 ou 2024.» Une récession se mesure par le recul de l’activité économique pendant au moins deux trimestres consécutifs, sur la base du produit intérieur brut (PIB). Les grandes banques abondent dans le même sens que le maître d’enseignement. Un rapport d’Études économiques Scotia indique que «le risque d’une récession reste faible à l’heure actuelle, puisque nous nous attendons à une forte croissance cette année», grâce à une balance commerciale favorable, la demande refoulée et le quasi‑plein‑emploi. Une nouvelle escalade de la guerre en Ukraine soulève tout de même des perspectives plus sombres pour 2023, puisqu’elle pourrait davantage stimuler l’inflation.

Cryptomonnaies et marchés boursiers en nette baisse

Les craintes des investisseurs au sujet de l’inflation et d’une potentielle récession ont fait radicalement baisser les marchés boursiers en 2022. À titre d’exemple, le NASDAQ a perdu près de 30%. Dans la foulée, les cryptomonnaies sont entraînées vers le bas. «La conjoncture de ces facteurs fait en sorte que plusieurs investisseurs vont chercher à liquider leurs actifs plus risqués, bien souvent leurs cryptomonnaies. Le krach du jeton stable («stablecoin») TerraUSD et la baisse presque aussi importante du jeton Terra (Luna) font peur à une frange des investisseurs. Cela démontre que même les jetons stables, rattachés à une devise (comme le dollar américain) ou une commodité (comme l’or) et par conséquent censés être protégés de la volatilité, peuvent être soumis à une volatilité extrême», explique Annie Lecompte, professeure au Département des sciences comptables de l’UQAM. Est-ce que ce krach pourrait affecter l’économie réelle? Selon elle, très peu. Pourquoi? Parce que les investissements totaux dans les cryptomonnaies ne représentent qu’une très petite portion de la richesse globale. «Plusieurs experts s’entendent pour dire que les mouvements dans les cryptomonnaies ont un impact mitigé sur les marchés, pour le moment, parce que les principaux joueurs dans le système ont une exposition limitée aux cryptomonnaies», indique-t-elle. Étant donné la petite place occupée, la chute de leur valeur ne peut avoir qu’un impact mitigé sur l’économie globale.

Resserrement monétaire par la Banque du Canada

Pour tenter de contrôler l’inflation, les banques centrales haussent leur taux directeur. Une approche trop agressive risque de mener à une récession, qui vient évidemment avec d’importantes conséquences, comme des mises à pied. Selon Pascal Bédard, «la banque centrale peut réduire le risque de récession en tentant de trouver la frontière très délicate entre “trop et pas assez” de resserrement monétaire, c’est-à-dire l’amplitude et la vitesse des hausses de taux d’intérêt». Sachant que «la majorité, environ 80%, des resserrements monétaires depuis 1950 se sont soldés par une récession», il y a de quoi rester craintif.

Dur de rester insensible face à l’inflation élevée, le risque de récession et la baisse de la valeur des investissements. Qu’est-ce qui pourrait permettre à tout le monde de souffler un peu, en 2022? Pour Pascal Bédard, une «baisse de l’inflation à partir de juillet ou août» serait encourageante. Restons optimistes et surveillons de près l’Indice des prix à la consommation (IPC) cet été.

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