En finir avec les zoos
CHRONIQUE – Il y a deux semaines, l’ancien propriétaire du Zoo de Saint-Édouard, Normand Trahan, a plaidé coupable à des accusations portées contre lui en vertu de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal. Cette histoire en est une parmi tant d’autres où des animaux en captivité sont négligés et endurent de multiples souffrances.
Dans un contexte où les préoccupations envers les droits des animaux gagnent en importance, les propriétaires de zoos tentent de redorer le blason de cette industrie lucrative. Pour maintenir une légitimité auprès de la population, ils ont en effet intérêt à présenter les zoos comme étant bénéfiques pour les animaux.
J’en ai discuté avec Valéry Giroux, chercheuse en éthique à l’Université de Montréal.
Parmi les arguments les plus courants avancés en défense des zoos figure celui de la conservation des espèces menacées.
«On doit savoir qu’une très petite proportion des animaux dans les zoos sont des représentants d’espèces en voie d’extinction. Puis, pour que les zoos participent à la conservation de la biodiversité, il faut que les animaux soient un jour relâchés dans la nature, sans quoi l’objectif de la conservation perd tout son sens, explique la chercheuse. Il vaut mieux miser sur la restauration et la reconstruction de leurs habitats. Après tout, c’est souvent leur destruction qui met les animaux en danger.»
Elle note d’ailleurs une incohérence puisque les zoos (et les safaris) ont eux-mêmes contribué à raréfier certaines espèces. «C’est le cas du tigre de Tasmanie, disparu au début du 20e siècle», indique notamment la chercheuse. On sait, en outre, que c’est une proportion minime d’animaux qui sera effectivement retournée à son habitat naturel – une réintégration comportant d’énormes risques.
L’aspect éducatif
L’aspect éducatif des zoos est un autre argument couramment évoqué. Argument pour le moins étonnant, puisque les zoos présentent une réalité tronquée du comportement animal.
«Les animaux qui se trouvent dans les zoos sont aliénés et représentent bien mal leurs cousins qui vivent dans leurs milieux naturels. Visiter le zoo, ce n’est pas comme visiter un bout de nature… c’est plutôt comme visiter une prison! Au lieu d’enseigner la compassion, ça banalise l’enfermement d’animaux sauvages.»
La chercheuse ajoute: «De la même manière qu’on peut obtenir un doctorat en paléontologie sans avoir vu des dinosaures de ses propres yeux, on peut certainement acquérir beaucoup de connaissances sur le comportement et la physionomie des animaux sauvages sans passer par les zoos.»
Du reste, la dimension éthique pèse dans la balance. Certains arguent que les animaux, dans la majorité des zoos au 21e siècle, sont bien traités et ne souffrent pas. Valéry Giroux, dont la thèse de doctorat portait notamment sur «l’intérêt à être libre», rappelle que la question de la souffrance ne fait pas le tour de la question morale. En effet, l’enjeu de la captivité a aussi de quoi nous préoccuper (les périodes de confinement que la pandémie nous a imposées devraient achever de nous convaincre!).
Les animaux, en tant qu’êtres sensibles et sentients, ont intérêt à être libres et à exercer leur autonomie.
«Dans les zoos, l’espace est à peu près toujours insuffisant. Il est en général 60 à 100 fois plus petit que les plus petits territoires que les animaux occuperaient normalement. Même là où des espaces un peu plus grands ont été aménagés, les animaux captifs ressentent la privation de liberté et de stimulation, et y réagissent en développant des troubles du comportement comme la stéréotypie, l’apathie ou l’automutilation… C’est d’une tristesse infinie», réagit Valéry Giroux.
Existe-t-il une autre solution pour protéger les animaux tout en évitant ces séquelles physiques et psychologiques?
«Les animaux devraient être protégés dans leur milieu naturel, par la création de réserves et de sanctuaires, par exemple. Ce sont les seuls endroits qui semblent acceptables d’un point de vue éthique, puisqu’ils sont créés dans l’intérêt des animaux rescapés. Pas de capture, pas d’élevage, pas de profit, pas de divertissement à leur détriment. Seulement des soins, comme on en prodigue dans les refuges.»
Elle souligne que la possibilité pour le public de visiter ces lieux-là existe toujours. «Il y a d’importants débats à ce propos. Ce qui est clair est que les intérêts et les besoins des animaux individuels eux-mêmes doivent primer.»