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Violence armée: doit-on abroger les peines minimales obligatoires?

À Montréal, le nombre d’événements avec coups de feu a augmenté de 30% entre 2020 et 2021. Photo: iStock

Tandis que la violence armée à Montréal fait régulièrement les manchettes, le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi qui propose d’abroger les peines minimales obligatoires (PMO) pour 14 infractions au Code criminel, dont la moitié concerne les armes à feu.

La raison évoquée pour justifier le projet de loi C-5 est la surreprésentation des Autochtones, des Noirs et des personnes marginalisées dans le milieu carcéral.

Selon les chiffres avancés dans le projet de loi, les Autochtones représentaient 30% des détenus incarcérés dans les établissements fédéraux en 2020, alors qu’ils ne représentent que 5% de la population canadienne.

Les détenus noirs représentaient quant à eux 7% de la population carcérale fédérale en 2018-2019, mais seulement 3% de la population canadienne.

Cela n’empêche pas certains de trouver le projet de loi déconnecté du contexte actuel. C’est le cas des signataires d’une lettre ouverte publiée le 26 janvier par la Communauté de citoyens en action contre les criminels violents (CCACV).

«Actuellement en étude, [ce projet de loi] est en dichotomie totale avec la violence armée causée par les gangs de rues», peut-on lire dans cette lettre demandant que le projet de loi C-5 soit révisé de manière «urgente».

Un sentiment d’impunité

Joint par Métro, l’un des signataires de la lettre, le superviseur retraité du SPVM Stéphane Wall, explique que si la prévention est importante, il est difficile de revenir en arrière lorsqu’un jeune devient membre d’un gang de rue.

«Ils n’ont aucun respect pour la vie humaine, ils ont un sentiment d’impunité et ils se moquent du système», soutient l’ex-agent du SPVM.

Une situation qui serait entre autres due, selon lui, au laxisme du système judiciaire actuel, un laxisme qui serait aggravé si le projet de loi C-5 est adopté.

On demande que les criminels aient des peines qui reflètent la gravité des crimes qu’ils commettent.

Stéphane Wall, porte-parole de la CCACV

Stéphane Wall est en faveur que des outils soient offerts aux communautés surreprésentées dans le milieu carcéral, mais il considère que de «banaliser les crimes violents» est une mauvaise décision.

«Le projet de loi C-5 ne prend pas en considération le droit des victimes et de leur famille», déplore-t-il.

Une mesure inefficace

Nicolas Sallée, professeur agrégé au département de sociologie de l’Université de Montréal, ne croit pas que les peines minimales obligatoires soient une mesure efficace et dissuasive.

C’est une erreur de miser sur les effets dissuasifs du système pénal pour régler des problèmes sociaux. Peut-être qu’on apaisera certaines rancœurs et certains désirs de vengeance qu’on peut entendre de la part des victimes, mais en tout cas, ça ne permettra jamais de régler le problème de fond.

Nicolas Sallée, professeur agrégé à l’UdeM

Même son de cloche du côté de Ted Rutland, professeur agrégé à l’Université Concordia, qui considère qu’un investissement dans la prévention et dans la réintégration des détenus diminue davantage la violence que la répression policière.

«Des lois plus sévères vont envoyer des gens en prison pour plus longtemps. Ça va vraiment avoir un effet néfaste sur leur vie, celle de leurs proches et ça va coûter cher à notre société. Et ça, ça ne va pas diminuer la violence, car les gens seront en pire situation après la prison.»

Même si l’abolition des PMO est selon eux un pas dans la bonne direction, les deux professeurs croient en revanche que cela ne suffira pas pour régler le problème de surreprésentation de certaines communautés au sein du milieu carcéral.

«La peine qui est donnée au tribunal, c’est la dernière étape d’une longue chaîne de décisions qui commence par une interpellation policière et qui se poursuit par un passage devant le bureau des poursuites criminelles et pénales, soutient Nicolas Sallée. À chacune de ces étapes, on a beaucoup de données qui montrent que les personnes racisées sont touchées de manière disproportionnée.»

Le professeur de l’UdeM considère donc qu’une réflexion globale sur cette discrimination est nécessaire, ainsi que sur les facteurs socioéconomiques, voire historiques, qui alimentent cette surreprésentation.

«La violence et la délinquance se nourrissent énormément des conditions sociales et des conditions matérielles de vie des personnes.»

Si plusieurs mesures proposées par la Communauté de citoyens en action contre les criminels violents misent sur le volet pénal, notons que d’autres propositions vont plutôt dans le sens de la prévention, allant d’une ligne téléphonique dédiée aux familles touchées par la violence chez les jeunes à la bonification du Centre de renseignement policier du Québec (CRPQ), afin de diminuer les interceptions multiples du même propriétaire de véhicule, «parfois assimilées à du profilage racial».

Selon Statistique Canada, le nombre d’infractions avec violence relatives aux armes à feu au pays a augmenté de 593 en 2020 – passant de 3544 en 2019 à 4137 en 2020 –, ce qui constitue une augmentation de 15%. Il s’agit de la sixième augmentation annuelle consécutive.

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