Madame Chantal est à boutte!
CHRONIQUE – Vous avez été plusieurs à être horrifiés par les enregistrements d’enseignantes et enseignants criant après leurs élèves. Le ton est traumatisant, les propos sont complètement déplacés, et le manque de diligence des écoles dans le traitement de plaintes apparemment nombreuses des parents est déconcertant.
À l’école des Grands-Vents, là où Madame Chantal aurait sévi pendant plusieurs années, le directeur a été retiré de ses fonctions. Un beau plaster sur un gros bobo. Ça en prendra plus pour protéger les enfants, parce que Madame Chantal est à boutte, et si la plupart des enseignants font bien leur travail, Madame Chantal n’est certainement pas la seule à être à boutte.
Les cris que l’on entend dans les enregistrements de profs qui ont fait surface cette semaine sont visiblement ceux de personnes en détresse. Des personnes qui réagissent à la violence d’un système qui, comme dans la plupart des milieux majoritairement féminins, compte sur une main-d’œuvre dévouée qui n’hésitera pas à en faire plus que ce qui lui est demandé, pour un salaire inférieur, avec toujours plus de pression, et jamais vraiment plus de reconnaissance.
Ça n’excuse pas les cris. Des milliers d’enseignantes répondent à ce qu’on attend d’elles sans crier après les enfants. Mais plusieurs le font au prix de leur santé.
La Presse rapportait jeudi matin que, selon la Fédération des centres de services scolaires du Québec, le taux d’absentéisme du personnel scolaire pour cause de maladie était en hausse de 29% depuis 2014-2015 pour atteindre 4,13% en 2021-2022. De ce nombre, 57% des absences sont liées à des invalidités d’ordre psychologique!
C’est facile de pointer du doigt Madame Chantal. C’est drôle quand c’est Michel Charette qui pique une crise contre la génération woke en flippant son bureau dans Le Bonheur à TVA. Ça, on comprend ça! Les maudits wokes sont tellement fatigants. Mais quand c’est Madame Chantal qui s’écroule sous le poids d’un système qui l’a laissée tomber?
Je ne connais pas la situation de Madame Chantal. Est-ce qu’elle est malade? Est-ce qu’on lui a offert du soutien? Est-ce qu’elle n’est pas faite pour enseigner? Ça se peut.
Ce qu’on lit surtout dans les médias, c’est que les syndicats protègent trop les profs et que ça prendrait un ordre professionnel pour protéger le public. On parle très peu du ratio élève/enseignant, du nombre d’élèves en difficulté ou avec «défis comportementaux», des heures travaillées, du surmenage. On sait qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre dans les écoles et que cette pénurie met de la pression sur celles qui restent dans le système.
Je ne connais pas toute l’histoire de Madame Chantal, mais je doute qu’elle criait après ses élèves lors de sa première année d’enseignement. On ne nait pas enseignante à boutte, on le devient.