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Trump, aspirant fasciste

CHRONIQUE – Sans trop de surprise, les actes d’accusation tombent maintenant sur la tête de l’ex-président comme la pluie mortifère – de juillet – sur les rues montréalaises. Ce qui est épouvantablement épatant, cela dit, demeure la force motrice avec laquelle ces mêmes accusations, concrètes ou anticipées, suffisent à galvaniser les appuis à Trump. La mort du rationnel, jadis forteresse inexpugnable de l’État de droit.

Cette foire aux délires aura également eu pour conséquence d’occulter les fruits d’un reportage explosif du New York Times, potentiellement plus troublant, si telle chose est possible.

Selon les journalistes Swan, Savage et Haberman, «Donald J. Trump et ses alliés prévoient une expansion radicale du pouvoir présidentiel sur l’appareil gouvernemental si les électeurs le renvoient à la Maison-Blanche en 2025, remodelant la structure de l’exécutif pour concentrer une autorité bien plus grande directement entre ses mains[1]».

Parmi ses alliés, un dénommé John McEntee, que The Guardian décrit comme un «assassin au visage de bébé», et que The Atlantic appelle «l’homme qui a rendu le 6 janvier possible». Comment? En «dirigeant les secrétaires du Cabinet, décapitant les dirigeants civils du Pentagone et forçant les hauts fonctionnaires et les fonctionnaires subalternes à déclarer leur allégeance à Trump[2]». De toute beauté.

La suite du reportage du Times, pour tout démocrate normalement constitué, donne froid dans le dos. Parmi les aspects les plus scabreux du plan, ceci:

  • Rapatrier sous la coupole présidentielle toute agence fédérale indépendante;
  • Saisir les fonds publics d’ordinaire sous le contrôle du Congrès;
  • Éliminer le concept de permanence chez les fonctionnaires fédéraux, ceci laissant la voie libre aux congédiements arbitraires basés sur, notamment, le refus d’allégeance trumpiste;
  • Accéder aux informations (pourtant confidentielles) détenues par divers départements sur les fonctionnaires à l’emploi de l’État fédéral, histoire de dégommer les non-sympathisants;
  • Ordonner une enquête criminelle, même dénuée de motifs ou soupçons raisonnables, sur Joe Biden, mettant ainsi un terme à l’indépendance du ministère de la Justice face au bureau ovale. Remember Watergate?

Toutes mesures, en bref, visant à assurer l’amenuisement ou la destruction massive de la séparation des pouvoirs, symbiotique d’une démocratie – et donc d’un État de droit – qui se respecte. Je déconne? Très bien: nommez-moi une seule démocratie sérieuse non fondée sur un État de droit qui l’est tout autant. Voilà.

Le pire? Que les artisans du plan fascisant s’en vantent publiquement. Selon «l’assassin au visage de bébé» : «Notre branche exécutive actuelle a été conçue par des libéraux dans le but de promulguer des politiques libérales. Il n’y a aucun moyen de faire fonctionner la structure existante de manière conservatrice. Il ne suffit pas d’avoir le bon personnel. Ce qu’il faut, c’est une refonte complète du système.»

Encore plus candide, un autre architecte de la chute, Russell T. Vought, ajoute: «Ce que nous essayons de faire, c’est d’identifier les poches d’indépendance et de les saisir.»

Les réactions à l’article du NYT sont unanimes, tant d’un bord comme de l’autre: 2024 offrira, haut et fort, l’avenue de l’autocratie.

Encore des doutes? Pas un facho, Trump?

Mais oui. Come on.

Tant dans la lettre que dans l’ethos.

On relit l’Histoire, un peu.

Merci, donc, au Times pour cette pièce d’anthologie, laquelle réitère le caractère sacré et l’importance fondamentale d’une liberté de presse sans gêne, écueils ou tabous. Question, maintenant: au vu de ce qui précède, ce type de reportage, courageux, pertinent et opiniâtre, sera-t-il encore possible à court et moyen terme? Le pavé est dans la mare (fascisante).

Comble de l’affaire, le 16 juillet dernier, Trump recevait une lettre annonçant sa mise sous enquête pour être intervenu, a posteriori, afin de renverser le résultat de l’élection de 2020.

Parmi la pléiade de chefs potentiels, trois seraient, selon les médias ayant eu accès à ladite lettre, inévitables: complot visant à commettre une infraction ou à escroquer l’État américain, influence indue sur un témoin, victime ou informateur, et privation des droits.

Si les deux premiers chefs parlent d’eux-mêmes, le troisième est plus diffus. Mais en gros: «Si deux personnes ou plus conspirent pour blesser, opprimer, menacer ou intimider une personne […] dans le libre exercice ou la jouissance de tout droit ou privilège qui lui est garanti par la Constitution […] ».

L’origine de cette même disposition? La volonté de reconstruire le pays post-guerre de Sécession. Plus particulièrement, en visant les membres du Ku Klux Klan qui, par l’intimidation et la terreur, tentaient de refuser aux Noirs la possibilité de voter dans les États du Sud.

Make America Great Again.


[1] Trump and Allies Forge Plans to Increase Presidential Power in 2025. La traduction et certains éléments d’observation dudit reportage se trouvent dans la revue suivante : « L’autoritarisme sera sur le bulletin de vote » : les experts reculent devant les « projets de centralisation de plus de pouvoir » de Trump

[2] The Man Who Made January 6 Possible

Twitter de Frédéric Bérard

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