Essai du Huawei Mate 20 Pro: surdose de technologies
Huawei lance jeudi au Canada son nouveau téléphone phare, le Mate 20 Pro. À une époque où les téléphones n’offrent généralement que des avancées marginales génération après génération, le fabricant chinois a plutôt conçu un appareil qui cumule les nouveautés technologiques impressionnantes, comme la recharge sans fil inversée et un lecteur d’empreintes digitales intégré à l’écran. Celles-ci n’atteignent pas toujours la cible, mais elles font du téléphone l’un des appareils les plus intéressants sur le marché.
Un design connu
Huawei ne gagnera pas de prix d’originalité avec le design de son Mate 20 Pro. Celui-ci est joli, mais il rappelle un peu trop le Galaxy Note 9 de Samsung, avec son écran recourbé sur les côtés. Visuellement, on aime l’effet, mais entre les mains, il arrive que l’on appuie sur une touche sur le bord de l’écran par erreur, et son confort dans la paume pourrait être amélioré.
Le téléphone est offert en deux finitions au Canada. La superbe Twilight (qui avait été dévoilée avec le Huawei P20 plus tôt cette année), qui affiche un dégradé du bleu au noir en passant par le pourpre, et le plus traditionnel noir. Celui-ci reflète beaucoup la lumière, mais n’attire étonnamment pas trop les empreintes digitales pour une finition du genre. L’appareil offre dans l’ensemble une construction solide, digne des meilleurs téléphones sur le marché.
Comme la plupart des nouveaux appareils, le téléphone de Huawei est doté d’un port USB-C uniquement, sans aucun port audio. Son haut-parleur est invisible, ce qui est peut-être en lien avec la résistance à l’eau IP68 du téléphone, et il sonne assez mince. Pas assez pour que ce soit un problème, mais c’est ici l’un des rares points où le Mate 20 Pro n’est pas un premier de classe.
Le Huawei Mate 20 Pro est doté d’un grand écran OLED HDR de 6,39 pouces avec une résolution supérieure à 2K. Celui-ci occupe presque toute la surface du téléphone, le cadre est mince au haut et au bas de l’appareil (et pratiquement invisible sur les côtés. L’écran se démarque par des couleurs riches et une superbe résolution, qui en font l’un des meilleurs qui existe en ce moment.
Comme c’est souvent le cas, l’écran est doté d’une encoche au haut. Celle-ci est assez grande, puisque l’appareil intègre une caméra 3D qui capte la profondeur afin de déverrouiller son téléphone avec son visage. Ce mécanisme est efficace, tant le jour que le soir, et il est le seul sur Android à être à la hauteur de Face ID d’Apple.
Une tonne de fonctionnalités
Huawei brise plusieurs limites et offre quelques premières avec son appareil. L’écran est tout d’abord doté d’un lecteur d’empreintes digitales, qui permet de déverrouiller son téléphone en posant le doit à un endroit indiqué par le logiciel, vers le quart de l’appareil environ. Le mécanisme fonctionne la plupart du temps, mais force est de constater qu’il est beaucoup plus lent que les capteurs habituels (un peu comme les capteurs d’il y a quelques générations). Considérant la qualité de la caméra frontale 3D et l’inefficacité du capteur, on déverrouille en pratique très peu le téléphone avec nos doigts.
Le Huawei Mate 20 Pro offre aussi quelques nouveautés intéressantes par rapport à la recharge. Celui-ci est par exemple compatible avec la recharge sans fil rapide 15W (à condition de trouver un socle compatible), et il peut être utilisé lui-même comme chargeur sans fil. Posez un iPhone XS dos à dos derrière le Mate 20 Pro, et le téléphone d’Apple commence à se charger comme par magie.
Malheureusement, l’idée est meilleure en théorie qu’en pratique. Dans les faits, la recharge du second téléphone est assez lente, et le Mate 20 Pro, lui, se décharge rapidement. La recharge sans fil inversée pourrait toutefois être intéressante avec une montre connectée, par exemple.
La recharge filaire est pour sa part des plus rapides. Son chargeur de 40W est littéralement 8 fois plus puissant que celui de l’iPhone XS. Combiné à une pile de 4200 mAh, vous n’avez aucune excuse pour tomber à plat en fin de journée.
Comme avec le P20 auparavant (et le Samsung Galaxy Note 9 par la suite), on peut aussi aussi relier le Huawei Mate 20 Pro à un moniteur externe pour le transformer en ordinateur portatif. Je doute que bien des gens utilisent la fonctionnalité par contre.
Un appareil puissant
Le Huawei Mate 20 Pro se démarque aussi du côté performances, grâce à son système sur puce Kirin 980, le premier processeur gravé en 7 nm sur Android. Celui-ci est parmi les plus rapides sur le marché dans les tests de performances. Au test Geekbench multicoeur, par exemple, le Mate 20 Pro atteint un pointage de 9837, largement supérieur au 8349 du Pixel 3 XL. L’interface et les jeux sont rapides, et il est difficile de trouver une tâche qu’il ne peut accomplir avec brio.
Un mode « Performance » permet aussi d’augmenter la puissance du processeur, à condition d’accepter qu’il chauffe un peu plus et qu’il augmente sa consommation. Je peine toutefois à trouver un usage où la fonctionnalité serait vraiment utile. Dans la vie de tous les jours, une autonomie maximale est généralement préférable à une puissance de pointe plus élevée. Quelqu’un qui souhaiterait accomplir des tâches lourdes, comme exporter un montage vidéo dans Adobe Premiere Rush, pourrait toutefois en profiter. Le gain m’a toutefois semblé assez marginal de toute façon (Geekbench multicoeur est passé à 10 014, par exemple).
Dans l’usage quotidien, notons que certaines tâches d’intelligence artificielle sur les photos sont assez lentes, comme le mode nocturne, mais il s’agit de la norme sur les appareils du moment. Le mode portrait, un autre usage intensif du coprocesseur dédié à l’intelligence artificielle que l’on retrouve sur le Kirin 980, est pour sa part plus rapide que sur le Pixel 3.
Appareil photo : la polyvalence avant tout
L’appareil photo est la plus grande force du Huawei Mate 20 Pro. Celui-ci contient trois capteurs et trois objectifs, dont un très grand angle (comme sur l’image ci-haut), un grand angle régulier (avec capteur de 40 mégapixels) et un angle rapproché 3X.
Aucun appareil n’est plus polyvalent sur le marché. Vous pourrez prendre des photos en mode macro, faire entrer la Tour de la Bourse à Montréal dans un cliché avec l’objectif très grand angle, prendre des photos géantes au besoin et poser des objets situés à une grande distance.
En prime, les objectifs conçus par Leica sont d’une superbe qualité. On observe par exemple moins de déformations dans les extrémités de l’image grand angle qu’avec les téléphones de LG qui offrent une fonctionnalité similaire.
Ce qui ne veut pas dire que l’appareil photo est parfait pour autant. Son mode portrait, par exemple, affiche des photos avec un angle trop grand, plutôt qu’un angle rapproché plus classique pour un portrait, comme on le voir avec le Pixel 3 et l’iPhone XS. Celui-ci est aussi moins efficace que ces derniers pour prendre une photo avec un effet bokeh artificiel autour de quelque chose qui n’est pas un visage. Son bokeh naturel, celui causé par la grande ouverture de son objectif Leica, est toutefois excellent, ce qui compense en grande partie cette lacune.
Son mode nocturne, où plusieurs images sont combinées en une seule pour obtenir une image claire à la noirceur, est excellent. Les photos de nuit prises avec le Huawei Mate 20 Pro sont loin devant celles prises par les nouveaux iPhone, mais le vainqueur est moins évident à déterminer par rapport au Pixel 3 (il faut y aller au cas par cas). Il est toutefois meilleur que celui du OnePlus 6T.
L’appareil photo offre pratiquement tous les modes possibles sur un appareil du genre, ce qui vient avec ses avantages et ses inconvénients. On apprécie par exemple le mode manuel complet et des fonctions comme un mode timelapse, mais on regrette que l’interface soit aussi lourde. Je n’ai pas été particulièrement été impressionné non plus par la fonctionnalité d’intelligence artificielle qui reconnaît la scène filmée et ajuste les paramètres de l’image en conséquence. Le logiciel tend alors à ajouter un effet trop prononcé sur les photos.
En général, notons que les caméras du Huawei Mate 20 Pro ne sont pas aussi constantes que celle du Pixel 3, mais que l’appareil offre plus de fonctionnalités et qu’il est plus agréable à utiliser, surtout si vous êtes du genre à travailler beaucoup vos clichés.
Note de l’auteur : un pépin technique m’empêche de publier autant de photos que j’aurais voulu. Une version mise à jour du texte sera mise en ligne au cours des prochains jours.
Un logiciel correct
Côté logiciel, le Huawei Mate 20 Pro est doté d’Android 9, avec un interface maison, EMUI. Celle-ci est plus subtile qu’elle l’a déjà été, et elle est moins désagréable qu’avec téléphones Huawei d’il y a quelques générations, mais elle n’offre pas beaucoup d’avantages non plus.
On regrette aussi le manque d’originalité de Huawei, qui copie carrément plusieurs icônes d’Apple. Les applications Music et Health, par exemple, sont directement tirées d’iOS. Huawei veut s’imposer comme un joueur mondial, à l’image de sa position de deuxième fabricant dans le monde à l’heure actuelle. L’entreprise devra se débarrasser de mauvaises habitudes du genre si elle souhaite être prise au sérieux dans les marchés où elle peine encore à se faire un nom.
Un téléphone phare, un prix en conséquence
Le Huwei P10 Pro était l’un des mes téléphones préférés l’année dernière, en partie à cause de son excellent rapport qualité-prix. La donne change ici un peu. Le Mate 20 Pro ne souhaite pas en offrir beaucoup pour l’argent demandé, mais plutôt être le meilleur téléphone, point à la ligne.
L’appareil atteint son objectif dans bien des cas, mais pas sur tous les points. Il est dans l’ensemble certainement dans le peloton de tête, et il ne déçoit à peu près jamais.
La qualité a toutefois un prix. Le Mate 20 Pro est l’un des meilleurs téléphones, mais à 1200$ sans entente, il est aussi un des plus chers. Reste à voir si le téléphone en offre assez pour justifier son prix aux yeux des acheteurs canadiens, qui sont généralement conservateurs et qui tendent à se tourner vers les marques, les modèles et couleurs connus.
Le Huawei Mate 20 Pro est lancé jeudi au Canada, chez la plupart des opérateurs.