Essai de Stadia (après une semaine)
Google lance mardi son très attendu service de diffusion de jeux vidéo Stadia, qui permet de profiter de la puissance des centres de données de l’entreprise pour diffuser des jeux directement sur un écran, comme une télé, un ordinateur ou un téléphone. Après une semaine d’essai, force est de constater que cette technologie prometteuse est là pour rester, même s’il y a encore beaucoup de questions à répondre.
Avec Stadia, terminé les consoles et les PC puissants pour jouer à des jeux vidéo à grand déploiement. Au lieu de télécharger des logiciels et de les faire fonctionner chez soi, Stadia permet de faire fonctionner des jeux dans les centres de données de Google. Le jeu est ensuite projeté instantanément sur l’écran de notre choix, sans qu’aucune installation ne soit nécessaire.
On joue principalement à Stadia avec une manette dédiée et développée par Google. Celle-ci se relie directement à son réseau Wi-Fi, ce qui lui permet de communiquer directement avec les serveurs de Google, sans passer par une connexion Bluetooth avec un téléphone ou une télé. Une technique pratique, qui permet d’économiser quelques millisecondes de temps de latence et ainsi obtenir une meilleure réactivité.
On n’est toutefois pas limités à la manette Stadia. Une manette Bluetooth, comme celles de Xbox One et PS4, peut aussi être utilisée sur un appareil mobile, et ceux qui jouent à Stadia sur leur ordinateur par un navigateur Chrome peuvent quant à eux utiliser un clavier et une souris.
La manette Stadia touche la cible
Pour l’instant, il faut toutefois acheter un ensemble de départ Stadia pour pouvoir essayer le service (169$, avec la manette et une Chromecast Ultra pour jouer en 4K sur sa télé). La bonne nouvelle, c’est que la manette est pas mal du tout.
Elle offre une bonne ergonomie (je pense même la préférer à la Dual Shock 4) et la construction semble d’une bonne qualité entre les mains. J’ai eu quelques problèmes pour la synchroniser au début, mais une fois qu’on comprend comment, le processus est simple par la suite.
Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de mettre son autonomie à l’essai d’une façon détaillée, mais même après plusieurs heures de jeu, celle-ci tenait la charge.
Notons que Google a aussi conçu une petite attache de plastique pour poser autour de la manette et installer son téléphone par-dessus cette dernière. Cela offre une bonne ergonomie lorsque l’on joue en position assise, mais le poids est un peu trop vers l’avant à mon goût lorsque l’on joue en position couchée, dans le lit, par exemple. Cette attache sera mise en vente mardi pour une vingtaine de dollars environ. En attendant qu’un autre modèle arrive sur le marché, chaque propriétaire de Stadia devrait en faire l’acquisition.
Une interface efficace (mais inachevée au lancement)
L’interface de contrôle principale de Stadia se retrouve sur son téléphone intelligent (Pixel 2, 3 et 4 de Google, mais d’autres modèles s’ajouteront avec le temps). C’est à partir de là que l’on peut modifier la qualité de diffusion, ajouter des amis et discuter avec ses partenaires de jeux. C’est aussi à partir de là que l’on décide où un jeu sera joué : sur son téléphone directement, ou encore sur une Chromecast associée à son compte. On peut toutefois aussi lancer un jeu à partir d’une fenêtre Chrome sur un ordinateur, ou encore avec sa Chromecast et la manette Stadia directement, sans passer par son téléphone.
Les captures d’écran, qui sont effectuées grâce à un bouton dédié, sont accessibles directement sur l’écran d’accueil dans l’application. Le processus est encore incomplet (puisqu’on ne peut les voir en plein écran, ni les partager), mais il s’agit probablement de la plateforme de jeux la plus efficace à ce jour pour cet aspect.
On peut aussi utiliser l’application Stadia pour iOS. Celle-ci ne permet toutefois pas de jouer aux jeux directement à l’heure actuelle.
Notons qu’il y a quelques problèmes temporaires avec l’application, comme le fait qu’elle ne peut être utilisée qu’en mode portrait, alors qu’on y joue uniquement en mode paysage lorsque notre téléphone est installé sur notre manette. On imagine évidemment que Google devrait corriger la situation rapidement.
Internet: ce dont vous aurez-besoin
Selon Google, vous aurez besoin d’une connexion de 10 Mb/s pour diffuser avec une résolution 720p, de 20 Mb/s pour diffuser à 1080p et de 35 Mb/s pour diffuser en 4K.
Malheureusement, après une semaine, je ne peux pas vraiment confirmer ou infirmer cette estimation. La plupart de mes séances ont bien fonctionné à 30 – 35 Mb/s (domiciles, cafés, Wi-Fi public municipal), mais j’ai aussi été à peu près incapable de jouer à 35 Mb/s dans un hôtel, peu importe la résolution.
À la maison, sur mon routeur principal, avec une connexion de 100 Mb/s, j’ai eu une excellente connectivité la plupart du temps, avec très peu de baisses temporaires de qualité. J’ai toutefois aussi eu des séances plus difficiles avec une connectivité de 50 Mb/s sur un routeur secondaire. Bref, la vitesse n’est pas le seul facteur limitant dans la diffusion du jeu en continu, et les vitesses annoncées par Google devraient être prises comme des indications, et non comme une mesure absolue. Espérons que Google lancera prochainement un jeu gratuit, ce qui pourrait permettre aux acheteurs potentiels d’effectuer eux-mêmes des tests avec leur connexion à la maison.
Côté données, Google estime que vous consommerez 4,5 Go par heure en mode économie (limité à 720p) et 20 Go par heure en mode Pro (résolution 4K, accessible avec un abonnement au service Stadia Pro seulement). Peu importe la qualité que vous choisirez, assurez-vous donc d’être dotés d’une connexion Internet illimitée avant d’acheter un jeu Stadia.
Qualité : beau, mais étrangement inconstant
Côté graphique, la qualité de Stadia est généralement très belle. On rencontre parfois une baisse de qualité temporaire pour une fraction de seconde, mais c’est assez rare. Je m’attendais à pire.
J’ai toutefois été surpris par la variabilité d’un jeu à l’autre, d’une fois à l’autre, d’une plateforme à l’autre et d’une résolution à l’autre.
Exemple?
Les captures d’écran que j’ai effectuées avec Red Dead Redemption 2 sur un téléphone en 1080p (ci-haut) sont à peu près aussi belles que celles que j’ai effectuées avec la version PC du jeu en 1080p. La richesse des détails est la même, et on ne voit pas du tout la différence de compression. Sur Chrome en 1080p, la qualité était toutefois inférieure. Et sur Chromecast Ultra en 4K, la qualité était correcte, mais pas du tout à la hauteur par rapport à la version Xbox One.
Tous ces tests ont pourtant été effectués au même moment, sur le même réseau, avec une connexion de 100 Mb/s.
Avec Shadow of the Tomb Raider, la situation est différente. La qualité de l’image sur mobile en 1080p était largement inférieure à celle sur PC. En 4K, la qualité d’image, bien qu’inférieure à la console, était toutefois étonnamment bonne, et certainement meilleure que celle de Red Dead Redemption 2.
Qu’est-ce qui explique ces différences? Je n’en ai aucune idée. Peut-être que le service de diffusion de Google comporte quelques bogues au lancement, qui seront corrigés éventuellement, ou peut-être que ce ne sont pas tous les moteurs de jeux qui fonctionnent aussi bien avec le service.
Dans l’ensemble, notons que la qualité de 1080p sera amplement suffisante pour ceux qui jouent sur un téléphone ou une petite télé. J’ai préféré jouer en 4K sur ma grande télé (65 pouces, placée près du sofa), mais il faut aussi dire que je suis habitué à cette résolution. Peut-être que d’autres joueurs pourront se satisfaire de la résolution inférieure.
Est-ce que la qualité de Stadia est suffisante à mon goût? Difficile à dire. Dans un jeu où la qualité graphique est limitée de toute façon, oui. Pour un jeu où la qualité graphique importe (Death Stranding, par exemple), probablement pas. Pour les autres, j’ai l’impression qu’il faudra pour l’instant prendre une décision au cas par cas.
Une bonne réactivité
La qualité graphique est une chose. La réactivité en est une autre. Ici, la plupart du temps, Stadia livre la marchandise. Encore une fois, l’image peut sauter à l’occasion pour une fraction de seconde, mais ce n’est pas assez fréquent pour nous embêter.
Destiny 2 m’a particulièrement impressionné. Même devant de hordes d’ennemis, j’avais l’impression de jouer comme si j’étais sur une console dans mon salon. Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion d’essayer des jeux compétitifs en ligne, ou encore des jeux que je connais assez bien pour pouvoir comparer instinctivement (je peux noter des millisecondes de différence à Overwatch, mais pas à Destiny 2).
Dans un jeu comme Red Dead Redemption 2, la réactivité semblait la même que sur une console, du moins en version hors ligne (je n’ai pas eu le temps d’essayer la version en ligne avec un groupe).
Si notre connexion Internet est insuffisante, la réactivité peut évidemment être grandement affectée (plus que la qualité graphique, à mon avis), ce qui rend le jeu pour ainsi dire injouable. Ça m’est arrivé sans raison à une reprise à la maison, avec Shadow of the Tomb Raider, sans que je puisse expliquer pourquoi.
Quelques mots sur les jeux
Lors de son lancement mardi, Google aura 22 jeux à proposer, avec plusieurs titres qui s’ajouteront au cours des prochaines semaines. Ces jeux doivent être achetés à l’unité, au même prix qu’on les payerait sur console ou sur PC, par exemple.
À court terme, une quarantaine de jeux seront offerts, ce qui est louable pour un nouveau service, surtout provenant d’une compagnie avec peu d’expérience dans le domaine des jeux à grand déploiement.
En plus des jeux déjà mentionnés, j’ai essayé Mortal Kombat 11 (un bon jeu pour tester la réactivité, mais que je ne connais pas assez pour comparer), Kîne, un jeu de casse-tête avec de beaux graphiques, mais d’un type qui rappelle plus les jeux mobiles, Just Dance 2020 et Gylt, le premier jeu exclusif Stadia.
Gylt est l’histoire d’une petite fille qui doit affronter des monstres dans une école dans un univers parallèle, une référence à l’intimidation scolaire. Il s’agit d’un jeu intéressant, qui sort d’ailleurs très bien sur Stadia. Sa finition visuelle assez simple est belle, peu importe la qualité de notre connexion Internet, par exemple.
Gylt ne profite toutefois pas vraiment des promesses du jeu en diffusion, comme celle de pouvoir créer des mondes multijoueurs massifs, par exemple. C’est un jeu correct, mais qui aurait pu être publié sur n’importe quelle plateforme.
Parmi les autres jeux qui sont attendus au lancement ou d’ici la fin de l’année, notons Assassin’s Creed Odyssey, Borderlands 3 et Ghost Recon: Breakpoint. En 2020, on aura droit notamment à Baldur’s Gate 3, Cyberpunk 2077 et Watch Dogs Legion. La présence de plusieurs jeux de tous les genres et provenant de tous les types de studios est d’ailleurs de bon augure pour Stadia.
Un abonnement à surveiller
Je ne me prononcerai pas pour l’instant sur la valeur du forfait Stadia Pro. Celui-ci, habituellement offert 11,99$ par mois, est de toute façon offert gratuitement pour trois mois aux propriétaires des ensembles de départs Stadia. Avec l’abonnement, on obtient des jeux gratuits « régulièrement », un son ambiophonique 5.1 au lieu de stéréo, une résolution 4K plutôt que 1080p et des réductions à l’achat de certains jeux.
Le premier jeu gratuit, Destiny 2, est d’une excellente qualité. Mais quels seront les prochains? Et quelle sera cette fréquence « régulière » exactement? On l’ignore. La réponse à ces questions indiquera en grande partie l’intérêt de Stadia Pro pour les utilisateurs.
Car si ce n’est que pour la qualité 4K au lieu de 1080p, Stadia Base (gratuit) risque d’être amplement suffisant pour la grande majorité des utilisateurs lorsqu’il sera lancé en 2020.
Ce qui n’est évidemment pas une mauvaise chose. Après tout, pourquoi payer 11,99$ par mois si on peut jouer aux mêmes jeux, dans une qualité suffisante, sans payer d’abonnement mensuel?
Devriez-vous adopter Stadia?
Stadia sort officiellement mardi, mais honnêtement, celui-ci devrait pour l’instant être considéré comme un accès anticipé. Le service gratuit Stadia Base n’est après tout pas encore accessible et plusieurs fonctionnalités simples manquent encore à l’appel. On ne peut par exemple pas changer la qualité de la diffusion à partir d’un PC, magasiner sur sa télé ou jouer avec son téléphone sans y relier sa manette Stadia par un fil. Ces manques ne m’offusquent pas, puisqu’ils seront faciles à corriger.
Pour cette raison, mais aussi pour d’autres, la mise à l’essai que j’ai effectué ici n’est toutefois qu’une première impression.
Je vais en effet avoir besoin de plus de temps pour essayer le service, et de faire des essais dans plus de conditions, pour mesurer son efficacité. Est-ce que Stadia sera aussi performant lorsque plus de joueurs s’y connecteront? Comment se dérouleront les jeux en ligne lorsqu’il y a aura suffisamment de comptes Stadia branchés? Est-ce que des hôtels offrent une connexion suffisante pour Stadia, ou est-ce que j’aurai toujours les mêmes problèmes que la dernière fois? Est-ce que la qualité graphique qui varie étrangement d’une fois à l’autre est un défaut permanent, ou un simple problème temporaire qui sera réglé lorsque les développeurs se seront habitués à la plateforme?
Voilà quelques questions auxquelles on n’a pas assez d’une semaine avant un lancement pour répondre, surtout pas pour une toute nouvelle technologie. Ces réponses pourront toutefois nous donner en temps et lieu une meilleure idée du potentiel à court terme de la plateforme.
Au mieux, si les problèmes rencontrés ici ne sont que temporaires ou qu’ils demeurent marginaux, je crois que Stadia pourra dès maintenant connaître du succès en marge des plateformes actuelles. Stadia pourrait aller chercher des clients chez les joueurs occasionnels qui n’ont pas acheté de console cette dernière génération, ou encore chez les propriétaires de consoles qui ont un intérêt pour le modèle Stadia. Ceux qui voudraient par exemple jouer au travail, dans leurs multiples domiciles (on n’a qu’à penser aux familles séparées) ou au chalet.
Au pire, Stadia sera un service encore imparfait, avec des jeux qui fonctionnent mieux que d’autres. Stadia sera alors surtout réservé pour l’instant aux technophiles qui seront prêts à vivre avec ses défauts en attendant que la technologie livre ses promesses.
Car la bonne nouvelle, c’est que même dans le pire des cas, les problèmes soulevés ici ne me semblent pas insurmontables. Après une semaine avec Stadia, j’ai encore des questions, mais le potentiel à long terme du jeu en diffusion ne fait pour moi plus aucun doute.