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Non, les tribunaux n’ont pas prouvé que les vaccins causent l’autisme

Photo: Métro

Si vous permettez à l’inspecteur viral de citer notre nouveau premier ministre, Justin Trudeau, «on est en 2015»; alors pourquoi y a-t-il toujours un «débat» entourant les vaccins et l’autisme? (Surement à cause d’articles de désinformation comme celui que nous allons examiner.)

Voici un article qui circule sur plusieurs sites depuis 2014, où on allègue qu’une cour américaine a donné raison à des parents qui affirmaient que leurs enfants ont reçu un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) après avoir reçu le vaccin ROR (rubéole, oreillons, rougeole).

La seule étude qui a démontré un lien entre les vaccins et l’autisme a été discréditée et retirée par le journal scientifique qui l’a publiée. Le médecin qui a mené cette étude, Andrew Wakefield, a été radié.

Bon! Pas besoin d’aller plus loin! À la prochaine!

Ok, ok, ça devrait être assez, mais démontons quand même l’article d’aujourd’hui.

Une des raisons pour lesquelles il circule autant est qu’il contient certaines informations véridiques, même si les liens qu’il fait sont tout à fait ridicules. Il y a aussi le fait qu’il raconte une histoire faite sur mesure pour les anti-vaccins: «Les médecins, qui sont tous payés par les compagnies pharmaceutiques, disent que les vaccins sont sécuritaires, mais ha! la cour nous donne raison!»

Pour alléger cet article, qui parle tout de même d’enfants ayant subi des blessures graves, l’inspecteur viral inclut d’adorables photos d’animaux de compagnie qui se font vacciner comme des grands.

Veterinarian holding a pig while nurse giving the vaccine.

Ce que l’article dit

L’article débute avec la phrase «Vous n’entendrez rien à ce sujet dans les médias traditionnels» (ce qui est faux).

On nous parle d’un «tribunal des vaccins» aux États-Unis qui aurait accordé des compensations monstres à deux enfants qui ont subi une encéphalopathie causée par le vaccin ROR.

«Dans une décision publiée récemment, dont une partie avait été censurée pour le public, un jeune garçon a reçu des centaines de milliers de dollars après qu’il ait été déterminé que le vaccin combiné contre la rougeole, les oreillons et la rubéole avait conduit à un diagnostic confirmé de trouble du spectre autistique (TSA)», peut-on lire.

Ce qui est vrai: un tribunal américain a donné une compensation à des enfants après avoir reçu un vaccin

Ce qui est faux: tout le reste

Veterinary clinic with a French bulldog

Bon, c’est quoi ce «tribunal des vaccins»?

Cette cour s’appelle le National Vaccine Injury Compensation Program (NVICP) (Programme national de compensation pour les blessures causées par les vaccins). Étant donné que les vaccins sont plus ou moins obligatoires aux États-Unis, mais que le pays ne détient toujours pas de système de santé universel gratuit (voir «on est en 2015», plus haut), ce tribunal offre une compensation financière à ceux qui jugent avoir subi un effet négatif suite à un vaccin. L’argent est destiné à défrayer leurs frais médicaux.

En fait, sur le site du programme, il est clairement écrit que «recevoir une compensation ne veut pas nécessairement dire que le vaccin a causé votre blessure». (Et, en passant, en 2010, soit après les causes mentionnées dans l’article que nous examinons, cette même cour a statué que les vaccins ne causent pas l’autisme. Boom.)

Female vet injecting a kitten

Quoi, il y a des risques d’effets secondaires associés aux vaccins??

Bien sûr, comme toute intervention médicale, il y a certains risques (ridiculement faibles) à se faire vacciner.

Par exemple, sur 2 532 428 541 (oui, 2,5 MILLIARDS) doses de vaccins administrés aux États-Unis entre 2006 et 2014, la NVICP a remis 1 903 compensations pour effets secondaires (et la plupart de celles-ci, ou 1 124 cas, sont pour le vaccin contre la grippe, et non le vaccin ROR). Cela fait une blessure pour 1 330 755 vaccins.

En revanche, en 2008, il y a eu environ 2,5 M de déplacements par automobile à Montréal à chaque jour, soit 912,5 M de déplacements par année. Total des blessures (et décès) attribuables aux automobiles à Montréal pour la même année: 7 875, ou une blessure pour 115 873 déplacements.

En d’autres mots, à chaque fois qu’on se déplace en auto à Montréal, on a 10 fois plus de chances de causer une blessure que lorsqu’on administre un vaccin. Et beaucoup de gens conduisent à chaque jour, alors que la plupart des vaccins sont une occurrence rare.

À cela s’ajoute le fait qu’il est beaucoup plus risqué de ne PAS se faire vacciner.

(Boom #2.)

Giving dog a vaccine

D’accord, mais la cour a donné raison aux parents??

Oui et non.

Dans les deux cas mentionnés dans l’article, les parents ont pu démontrer que leur enfant a subi une encéphalopathie dans les semaines suivant un vaccin, mais il n’y a aucun lien avec l’autisme.

Comment l’inspecteur viral sait-il cela? Il est allé voir les documents de cour! (censurés pour le public, mon œil).

D’après ces documents, Ryan Mojabi a reçu son vaccin le 10 décembre 2003. Il a subi ce qui semble être une encéphalopathie dans les semaines suivantes. Les premiers indicateurs que Ryan avait des troubles cognitifs se sont manifestés le 27 mai 2005, et un diagnostic de trouble de spectre de l’autisme lui a été conféré le 28 décembre 2005.

En fait, un test de dépistage de l’autisme a été administré à Ryan avant son diagnostic, le 10 mai 2004, et encore le 25 janvier 2005. Les deux fois, le résultat était normal. Difficile de voir comment un vaccin pourrait subitement causer l’autisme deux ans plus tard. De plus, la cour ne reconnait d’aucune manière que le vaccin a causé son autisme.

Pour Emily Lowrie, il n’y absolument aucune mention d’autisme dans la décision. Zéro puis une barre. On ne parle que d’encéphalopathie.

(Boom #3.)

Et MÊME SI la cour avait jugé que les vaccin causent l’autisme, il n’appartient pas au système juridique de déterminer ce genre de truc; cette responsabilité découle des scientifiques. Les juges et avocats ne sont pas des scientifiques, et ne connaissent pas nécessairement toutes les avancées de la science. Ils ne sont donc pas des autorités scientifiques.

Notons qu’une cour américaine a déjà statué, en 1925, qu’un professeur n’avait pas le droit d’enseigner la théorie de l’évolution à ses élèves… mouain.

(Boom supplémentaire.)

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Conclusion

Vous connaissez surement une personne anti-vaccin. Il n’y a rien, aucune preuve, aucun fait qui pourrait la faire changer d’idée. C’est comme une religion.

Pourquoi l’inspecteur viral écrit-il alors cet article pour vous, cher gens rationnels?

Parce que d’une part, il faut démontrer la malhonnêteté du mouvement anti-vaccin qui, faute de preuves, déforme la réalité pour en arriver à ses fins. Et d’une autre part, les gens rationnels ont eux aussi droit à des ressources pour faire valoir leurs arguments et pour déboulonner les arguments de l’autre côté.

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