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Non, le shampooing pour bébé Johnson et Johnson ne contient pas de «substances toxiques»

Ce sera sans doute le plus court de tous les billets de l’inspecteur viral.

Cet article circule énormément depuis une semaine (pas moins de quatre lecteurs ont contacté l’inspecteur pour lui demander d’enquêter). On affirme que la compagnie Johnson & Johnson, qui fabrique entre autres des savons et des shampooings, a «finalement» admis que leurs produits pour bébés contiennent deux produits cancérigènes: le 1,4-dioxane et le Quaternium-15. On attribue ensuite toute une ribambelle de symptômes à l’utilisation de ces produits, et on vous suggère de les éviter.

Le hic, c’est que Johnson & Johnson a retiré ces deux substances de tous ses produits… en 2014. Oups.

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Dans l’article du New York Times cité plus haut, une représentante de la compagnie, Cathy Salerno, explique comment Johnson & Johnson a investi des dizaines de MILLIONS de dollars pour développer des alternatives à ces deux substances pour mettre dans leurs produits.

L’article que nous examinons aujourd’hui semble d’ailleurs en tous points se baser sur une campagne lancée il y a quelques années par le Breast Cancer Fund (Fonds pour le cancer du sein) pour convaincre Johnson & Johnson de retirer ces substances de ses produits (ça a fonctionné). Voici ce que la directrice de cette campagne, Janet Nudelman, a dit au Times: «Beaucoup de compagnies affirment qu’ils vont faire quelque chose, mais dans ce cas-ci, Johnson & Johnson a véritablement fait ce qu’ils ont dit qu’ils allaient faire».

Donc voilà, la prémisse même de cet article est complètement bidon! Bonne journée!

Wô minute! Pourquoi ont-ils retiré ces substances-là, si elles ne sont pas dangereuses?

Misère… Et l’inspecteur qui pensait s’en sortir avec un tout petit billet tout simple.

En gros, Johnson & Johnson a retiré ces substances parce que des gens s’informent sur l’internet sur des sites de «santé et de nutrition» (clin d’oeil), qui tentent sans cesse de leur faire peur avec toutes sortes de substances supposément dangereuses. L’entreprise maintient encore que ces substances sont sécuritaires dans leurs produits, mais elle a décidé de se plier à la volonté des consommateurs, qui faisaient pression pour qu’elle les retire.

C’est une énième instance de «chemophobie» (peur irrationnelle des substances chimiques) qui s’empare de l’internet depuis quelques années. On trouve des substances chimiques dans un produit, on effectue quelques recherches Google, on voit une étude qui affirme que ces substances ont des effets néfastes sur la santé et hop! on écrit un article pour faire peur aux gens.

Mais comme l’explique le chimiste Matthew Hartings dans cette entrevue avec Slate sur la «chemophobie» qui a poussé Johnson & Johnson à modifier ses produits: «Malheureusement, toutes les molécules sont potentiellement toxiques. La toxicité n’est pas simplement causée par la molécule elle-même, mais est plutôt un effet dû à la molécule et sa concentration».

Toute molécule est une substance chimique, et toute molécule a un seuil au-delà duquel elle devient dangereuse pour la santé. Mais elle a aussi un seuil sous lequel elle est sécuritaire. À titre d’exemple, la neurotoxine la plus puissante connue, la toxine botulique (connue sous le nom «botox» – oui, oui, cette même substance utilisée pour faire des facelift), n’est mortelle par inhalation qu’à des concentrations supérieures à 10 à 13 nanogrammes par kilogramme de poids corporel (ok, ce n’est pas beaucoup, mais il y a quand même un seuil).

Ah, et, en passant, cette molécule est entièrement «naturelle»: elle existe dans la nature, sans l’intervention humaine.

Les sites de «santé et de nutrition» (clin d’oeil) nous disent souvent que nous ne devons jamais utiliser un produit qui contient une molécule dont on ne peut prononcer le nom. Arrivez-vous à prononcer «monoxide de dihydrogène»? Non?

C’est de l’eau (et, en passant, on peut aussi mourir en buvant trop d’eau).

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«100% des gens qui ont un cancer ont ingéré cette substance!!! PANIQUE!!»

Dans le cas des produits Johnson & Johnson, on affirmait que les deux substances «toxiques», le 1,4-dioxane et le Quaternium-15, relâchent du formaldéhyde, un cancérigène connu.

D’accord, mais sachez qu’il y a du formaldéhyde dans l’air que vous respirez en ce moment (à des concentrations de 0,05 à 14,7 0.05 µg/m3). Il y en a aussi dans plusieurs fruits et légumes, dont les pommes et les champignons shiitake (de grâce, n’arrêtez pas de manger ces aliments). Bref, il y en a pas mal partout.

Des études ont déterminé un lien entre le formaldéhyde et le cancer, mais chez des travailleurs qui étaient régulièrement exposés à des doses élevées, dont les croque-morts (le formaldéhyde est utilisé comme substance pour embaumer les morts… ouache).

La Société américaine du cancer explique d’ailleurs que l’utilisation de certains shampoings peut élever la concentration de formaldéhyde dans l’air ambiant d’une pièce pendant quelques instants, mais que cette concentration est bien en-dessous de ce qui est considéré dangereux pour la santé.

C’est beau?

Demain, nous parlerons de cette fameuse décision d’une cour américaine, qui a récemment ordonné Johnson & Johnson à payer 72 M$ à la famille d’une dame morte du cancer des ovaires.

À demain!

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