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Classe à part: Les classes d’accueil à cœur ouvert

Les élèves de secondaires de la classe d'accueil à l'école Lucien Pagé Photo: Patrick Sicotte/Métro

La série Classe à part, diffusée à partir de mardi soir à 19h30 sur TV5, offre un regard sensible sur le quotidien de jeunes, âgés de 6 à 18 ans, arrivés ici sans connaître un mot de français. En classe d’accueil, ces néo-Québécois font face au défi du déracinement et de l’apprentissage d’une nouvelle langue.

Les classes d’accueil sont la première porte d’entrée des jeunes néo-Québécois. C’est là qu’ils apprennent pour la première fois le français, mais là aussi qu’ils s’initient à leur nouvelle vie, après un déracinement parfois douloureux dans leur pays, qu’ils n’ont pour la plupart pas voulu.

Chantal Labrie, professeure de secondaire de l’école Lucien-Pagé dans le quartier Parc-Extension, qu’on suit dans la série, a accepté d’être filmée pour montrer la réalité de son travail. «Quand je parle de mon travail, personne ne sait ce que c’est», témoigne-t-elle, elle qui pourtant enseigne le français aux nouveaux arrivant depuis 24 ans.

Histoire de tordre le cou aux clichés qui voudraient que les professeurs de classe d’accueil ne montrent que des films à leurs élèves, elle n’hésite pas à sortir de son école, pour aller découvrir Montréal, ses parcs, ses épiceries, son transport en commun aussi, et pour leur apprendre comment la vie se passe ici.

Sumaiya, Gurarshpreet, Maryam et les autres ont passé cette année dans la classe d’accueil de l’école Lucien-Pagé. Ils étaient timides et renfermés au début, la série va les montrer de plus en plus à l’aise en français, plus ouverts sur les autres, plus épanouis dans leur nouvelle vie.

«C’était tellement précieux, ces moments passés dans cette classe cette année. On a fait beaucoup de choses ensemble, on est une famille maintenant», raconte à Métro Sumaiya, qui ne parlait pas français en arrivant ici. «Je ne comprenais rien quand la professeure nous parlait au début de l’année », lance-t-elle en riant. Cette année, elle fera ses débuts dans une classe ordinaire et compte bien continuer d’apprendre, jusqu’à devenir neurologue, son rêve.

«Il y a un discours xénophobe exacerbé par les vagues d’immigration. Il faut comprendre, certaines personnes ont peur ou sont inquiètes. Elles ne comprennent pas que la culture québécoise telle qu’elles l’ont connue n’existe déjà plus. Il faut faire valoir le bénéfice de la mouvance de la culture québécoise et je pense que la série va faire ça», François Péloquin, réalisateur de la série.

Si la série se veut résolument optimiste, montrant les progrès des enfants et leur intégration, Mme Labrie explique que ses conditions de travail ne sont pas optimales et qu’elles se détériorent d’année en année.

«Il y a tout le temps des coupes. C’est triste, parce que les classes d’accueil sont financées différemment. On a un peu plus d’argent pour les élèves en classe d’accueil, mais c’est tout, on n’a rien d’autre. On n’a pas de ressources, on voit les choses se détériorer. Les enseignants font de plus en plus de tâches connexes», constate celle qui travaille tous les soirs après les cours, mais aussi les fins de semaine.

La professeure remarque aussi que son travail est méconnu au sein même de son école et que les élèves des classes d’accueil ne se mélangent que très peu avec les autres.

«Les classes d’accueil, c’est comme une petite école dans l’école. On est complètement à part. Il y a plein de mes collègues qui vont voir ce que c’est, une classe d’accueil. La direction ne sait même pas ce que c’est notre travail», lance-t-elle. Pour pallier cet isolement, elle a créé différentes activités, comme de l’apiculture sur le toit de l’école avec des groupes de classe d’accueil et des élèves réguliers.

Pénétrer dans ces classes, découvrir ces visages différents, ces multiples langues et ses vies éclatées permet de s’éloigner un temps des discours de haine et de rejet qui se font de plus en plus présents dans l’espace public québécois.

Le réalisateur, François Péloquin, explique avoir entrepris ce projet alors que les enjeux d’immigration ne lui étaient pas familiers. Il s’est dit transformé par l’expérience, qui a changé sa perception de la culture québécoise et sa vision de l’immigration.

«Moi j’ai toujours cru que la culture québécoise était préservée dans les régions et métissée en ville. J’avais l‘impression qu’il fallait se tourner vers le passé pour comprendre la culture québécoise. En ayant eu la chance d’être immergé une année dans l’univers de l’immigration, je me suis rendu compte que pour bien comprendre le potentiel de la culture québécoise, il faut réfléchir à ce que nous ferons dans l’avenir, et non ce qu’on a fait dans le passé», raconte-t-il, après avoir passé des centaines d’heures avec ces élèves.

Malgré toutes ces difficultés, Mme Labrie reste optimiste: les résultats, soit l’apprentissage du français sont là, et le progrès arrivent très vites.

«À Noël, ils parlent français. Je leur dis tout le temps ça: je vous fais la promesse, ça va être votre cadeau de Noël», s’amuse-t-elle à raconter. La suite pour ces élèves, elle ne peut pas le contrôler. Certains déménageront en Ontario, où l’anglais facilitera la vie de leurs parents. D’autres continueront leurs études ici, et parleront un français parfait dans quelques années.

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