«L’École des Grands»: ces cégépiens qui donnent leurs samedis matins à des élèves vulnérables
Le 15 septembre, le Cégep Marie-Victorin, situé à la frontière entre Rivière-des-Prairies et Montréal-Nord, lancera pour la 4e année consécutive son concept de l’École des Grands. Le projet amène des étudiants de l’établissement à aider bénévolement des élèves du primaire en difficulté.
Initiée par Alisha Wissanji, enseignante en mathématiques, l’École des grands est une réussite. Tous les samedis matins de 9h à 12h dans les locaux du Cégep, des étudiants issus de différents programmes du collège donnent bénévolement des cours de français, de mathématiques et de sciences à des élèves du primaire.
«J’ai décidé de lancer ce projet après avoir constaté l’ampleur du taux de décrochage scolaire au secondaire à Montréal-Nord, explique l’enseignante. 1 enfant sur 4 était dans cette situation en 2014, soit le plus haut taux de l’île.»
Le concept a donc un objectif de prévention. Il vise à mieux préparer les élèves du primaire, afin qu’ils arrivent avec le moins de lacunes possibles au secondaire. Chaque année depuis 2015, 60 élèves issus de deux écoles situées en milieu défavorisé s’inscrivent à ce programme.
«Nous priorisons les élèves connaissant des grosses difficultés, avec des moyennes générales oscillant entre 50 et 70%, explique Alisha Wissanji. Ces enfants sont vulnérables au décrochage scolaire et donc susceptibles d’être en situation d’échec au secondaire.»
Un programme gagnant-gagnant
Tous les étudiants du Cégep souhaitant devenir tuteurs sont invités à appliquer. Il n’y pas de recrutement, et pas de profil scolaire prérequis. Depuis 2015, une trentaine de tuteurs en moyenne s’inscrivent pour chacune des deux sessions, automne et hiver. Pour ces étudiants issus des différents programmes d’études du collège, l’expérience est extrêmement bénéfique.
«C’est un programme gagnant-gagnant, constate Alisha Wissanji. D’un côté les élèves du collégial font la différence dans la vie d’un enfant, et de l’autre ils reçoivent une mention d’engagement étudiant sur leur bulletin, délivrée par le ministère de l’Éducation du Québec.»
Cette mention d’engagement, couplée à une lettre de recommandation du Cégep, ouvre plus facilement la porte des universités et des programmes universitaires réputés sélectifs. Mais ces étudiants bénévoles tirent avant tout leur satisfaction de l’aide apportée aux élèves.
«On devient des personnes significatives dans la vie des enfants, et des liens très forts se créent avec eux, explique Ana-Virginia Tejada, tutrice en sciences à Marie-Victorin. Le fait de les sortir du cadre traditionnel, ça les motive d’autant plus, car ils ne se sentent pas jugés.»
Des résultats qui s’améliorent
Selon les participants du projet, les effets de ces cours de soutien bénévoles ont un impact direct sur les résultats scolaires des enfants.
«L’une des force de ce concept, c’est que l’on peut en mesurer ses effets de façon quantitative, affirme Mme Wissanji. Nous allons dévoiler cet automne les résultats d’une étude démontrant l’augmentation de la réussite scolaire des élèves après leur participation au programme.»
Au-delà de la hausse de leurs résultats scolaires, le tutorat aiderait également les élèves à retrouver confiance en eux.
«Ils sont fiers de nous ramener leur bulletin scolaire, raconte la tutrice Ana-Virginia Tejada. Ça les pousse à s’accrocher, car ils veulent garder leurs bonnes notes. Ils reprennent foi en l’école et veulent continuer à s’améliorer.»
Les résultats de l’étude à paraître démontrent en outre des effets bénéfiques sur les tuteurs, qui par le biais de ce programme améliorerait leur concentration dans leurs études ainsi que leur degré d’autonomie.
«Dans tous les cas les élèves auront leurs devoirs à faire. Ils viennent avec plaisir les faire ici, dans un cadre souvent détendu qu’à l’école, entourés de tuteurs issus du même milieu qu’eux.» – Ana-Virginia Tejada, tutrice en sciences au Cégep Marie-Victorin.
Une réussite qui s’exporte
Le succès de l’École des Grands est tel que le concept s’est développé dans d’autres Cégep. Cette année, il y aura au total 5 établissements au Québec qui proposeront ce programme.
«Le projet s’exporte bien pour plusieurs raisons, souligne Alissa Wissanji. Premièrement, il est très peu coûteux et très simple à mettre en place. Ensuite, cela permet aux établissements participants accroître leur engagement et leur rayonnement social dans leur communauté.»
Le Collège Maisonneuve a accueilli le programme il y a deux ans. Et Benoit Jobin, conseiller à la vie étudiante au sein de l’établissement, ne semble pas regretter ce choix.
«Ce qui me frappe, c’est l’engagement de nos tuteurs bénévoles, souligne-t-il. Quand ils ne peuvent pas être là, ils culpabilisent, car ils ont l’impression de laisser tomber les élèves. Ils ont une réelle volonté de partager avec la communauté. C’est une expérience extrêmement positive.»