Les répercussions de la dernière vague de dénonciations au Québec
Plus tôt cette année, une vague de dénonciations sur les réseaux sociaux d’inconduites et d’agressions à caractère sexuel a déferlé sur le Québec. Environ quatre mois plus tard, qu’en reste-t-il?
Si l’effet d’entraînement s’est estompé, les retombées sont bien présentes. Des centaines de personnes se sont notamment tournées vers différentes ressources d’aide comme Juripop.
«C’est ce mouvement-là qui leur a donné le courage, l’envie ou la détermination nécessaire pour parler à un avocat ou une avocate pour connaître leurs droits. Parmi celles-là, il y a quand même plusieurs personnes qui sont allées de l’avant et ont exercé leurs droits», explique la directrice générale, Sophie Gagnon.
Ce sont des hommes tant connus ou qu’anonymes aux yeux du grand public qui ont été exposés par leurs victimes, dont certaines préservaient leur identité.
Parmi les pages qui ont le plus retenu l’attention sur les réseaux sociaux, il y a entre autres «victims_voices_montreal» qui diffusait des témoignages sur Instagram et «Dis son nom» qui tient une liste publique des présumés agresseurs.
«Est-ce qu’il y a une sorte de radicalisation des répertoires d’actions [protestataires]? C’est possible. Mais je pencherais plutôt pour relever le fait que dans tous les mouvements qu’il y a eu, incluant #MeToo et tout ça, une diversité d’approches», dit la sociologue et ancienne coordonnatrice au Réseau québécois en études féministes, Sandrine Ricci.
«En l’absence de mouvements sociétaux comme celui-là, il reste encore plusieurs personnes qui ne parlent pas de ce qu’elles ont vécu, qui ne dénoncent pas.» -Me Sophie Gagnon
«Vide juridique»
Certains ont vivement réagi aux accusations qui les visaient. C’est le cas de Jean-François Marquis, qui s’est retrouvé sur la liste de «Dis son nom». Il poursuit au civil les deux administratrices de la page – dont Delphine Bergeron qui a choisi de dévoiler son nom –, désirant obtenir 50 000$ en dommages moraux et punitifs et la fermeture du site.
«Cette question-là: ‘‘est-ce que dénoncer publiquement une agression sexuelle est d’intérêt public?’’ C’est particulièrement intéressant, dit Virginie Dufresne-Lemire, l’avocate des administratrices. Il y a un vide juridique. C’est-à-dire que cette question-là par rapport aux agressions sexuelles n’a jamais été répondue par les tribunaux.»
Le résultat de ce type de poursuite peut créer des précédents. «Ça envoie un message à la victime, à la communauté des victimes et plus largement à la société», souligne Sandrine Ricci.
La décision qui sera rendue pourrait influencer des personnes qui prévoyaient interpeller les autorités.
S’adapter
Lors du mouvement #MoiAussi, Juripop s’était simplement assuré de répondre à l’ensemble des appels que l’organisme recevait.
Trois ans plus tard, Juripop compte sur un tout nouveau un programme qui permet aux victimes de violences à caractère sexuel de parler à un avocat gratuitement.
«C’est un succès, on continue d’avoir plusieurs demandes par jour, même si le visage public était plus prononcé en juillet. On voit que c’est un besoin qui est présent, même au-delà de l’actualité», indique Me Gagnon.
Juripop n’a pas pour autant été épargné par la vague de dénonciations. Face à une allégation d’inconduite sexuelle, son président fondateur Marc-Antoine Cloutier a été forcé de démissionner.
«Il n’y a aucune organisation qui est l’abri de ça», fait savoir Me Gagnon.
En 2017, année marquée par #MoiAussi, le Service de police de la Ville de Montréal avait constaté une hausse de 23% des plaintes pour agressions sexuelles.
Pour obtenir de l’aide: 1 855-JURIPOP ou contacter un Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et la violence à Montréal au 514 529-5252