La noyade au centre Père Marquette était accidentelle, conclut le coroner
MONTRÉAL — Un élève d’une école secondaire montréalaise qui s’est noyé pendant un cours d’éducation physique a passé 38 minutes au fond de la piscine sans que personne s’en aperçoive, révèle un rapport d’enquête troublant du coroner concernant son décès.
Le rapport du docteur Louis Normandin sur la mort de Blessing Claude Moukoko en février dernier laisse croire à un manque inquiétant de supervision ce matin-là et recommande que les cours de natation dispensés dans le cadre du programme d’enseignement soient mieux gérés.
«Blessing Claude Moukoko est demeuré seul au fond de la piscine (…), et ce, parce qu’il n’y avait plus de surveillant-sauveteur essentiellement dédié à cette fonction», écrit M. Normandin dans son rapport dévoilé mardi.
L’adolescent de 14 ans ne participait qu’à son troisième cours de natation dans le cadre du programme d’éducation physique à l’école secondaire le matin du 15 février.
Comme plusieurs des 19 élèves de cette classe de l’école Père-Marquette, il ne savait pas nager. Blessing Claude Moukoko s’était identifié comme étant incapable de nager, comme plusieurs camarades de classe au début du cours.
La dernière fois qu’on l’a vu, il tentait de faire des longueurs, et personne ne s’est aperçu de l’absence de cet élève après le départ de sa classe de la piscine.
Ce n’est que lorsqu’une deuxième classe est arrivée que des élèves ont remarqué ce qu’ils pensaient être un mannequin au fond de la piscine municipale, adjacente à l’école située dans le quartier Rosemont.
Des manoeuvres de réanimation cardiorespiratoire avaient été entamées sur place. La victime avait ensuite été transportée à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont où, à la suite d’un nouvel arrêt cardiaque, la réanimation avait été reprise, de même qu’à l’Hôpital Sainte-Justine.
Les examens cliniques et radiologiques avaient mis en évidence des dommages cérébraux sévères et irréversibles par anoxie cérébrale. Dans les jours suivants, le jeune Moukoko n’avait présenté aucune amélioration de son état neurologique et les parents avaient accepté l’interruption des soins actifs.
Un enseignant et un sauveteur
Le rapport du coroner souligne que l’enseignant — un substitut ce jour-là — n’avait pas la formation requise selon les normes provinciales. En conséquence, la sauveteuse en fonction a également été chargée d’assister l’enseignant pour le cours.
Le coroner recommande que les cours de natation soient sous la supervision constante et simultanée d’un enseignant, qui donne le cours, et d’un sauveteur-surveillant «qui n’a d’autre tâche que de surveiller».
Si cette condition n’est pas respectée, les cours de natation en milieu scolaire devraient être suspendus jusqu’à nouvel ordre, affirme M. Normandin.
Le coroner recommande au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur que le programme «Nager pour survivre Plus» de la Société de sauvetage du Québec soit formellement intégré aux cours de natation dispensés en milieu scolaire. Il estime que la réussite de ce programme par l’élève devrait être un prérequis obligatoire à l’acquisition ultérieure de compétences techniques des différents types de nage.
Raynald Hawkins, directeur général de la Société de sauvetage du Québec, a affirmé qu’il accueillait favorablement les recommandations de M. Normandin, qui font suite à d’autres recommandations formulées par un autre coroner pour les plus jeunes enfants.
«Il s’agit d’une évaluation faisant en sorte que, lorsqu’ils suivent un programme d’apprentissage de la natation, les enfants possèdent les compétences et exigences minimales nécessaires dans l’éventualité où ils se retrouvent dans la partie plus profonde de la piscine», a indiqué M. Hawkins.
Le coroner recommande aussi que la personne qui donne le cours ait complété le profil de formation en natation de 90 heures dans le cadre de son baccalauréat, ou qu’elle possède une certification d’instructeur de grade 2.
En conférence de presse, mardi, le coroner a affirmé que personne n’avait eu de mauvaises intentions dans ce drame, tout en ajoutant qu’à son avis, le cours de natation devrait être donné par «ceux qui sont jugés compétents» pour le faire.
Une suspension des cours?
La Commission scolaire de Montréal (CSDM) a déclaré dans un communiqué qu’elle avait pris acte des recommandations du coroner et qu’elle mettrait en place les mesures nécessaires.
«Notre devoir est de faire le maximum pour renforcer nos pratiques afin d’éviter que de tels événements se reproduisent», a commenté la présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon.
La ministre déléguée à l’Éducation, Isabelle Charest, a déclaré à Québec qu’il était trop tôt pour annuler les cours de natation.
«Je ne crois pas qu’il faille suspendre les cours, je pense qu’on peut commencer les travaux sans tout arrêter. C’est un accident extrêmement tragique, extrêmement déplorable, mais je ne crois pas qu’il y ait lieu d’arrêter tous les cours pour le moment», a affirmé la ministre.