Sans la musique…

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne orange, direction Montmorency. C’est mardi, il est 20 h 10.

Il porte des écouteurs gros comme des caps de roues.Sa tignasse frisée tente de s’évader de part et d’autre du casque d’écoute. Il a peut-être 18 ans. Et il tripe fort.

Assis sur un banc en solo, il est sur le point d’incarner à lui seul un band au complet.Il balance la tête énergiquement, bat la mesure de tout son corps. En fait, tout son être exprime ce qu’il entend.

Je ne sais pas du tout ce qu’il écoute, mais ç’a l’air bon! Si on se fie aux gestes du jeune homme qui feint maintenant de tenir deux baguettes et de battre la caden­ce sur une caisse claire virtuelle, le solo de batterie vient d’embarquer.

Puis survient un répit de quelques mesures. Puis retapent les pieds, remuent le bras. On pourrait craindre qu’il développe une tendinite ou se foule une cheville s’il ne «joue» pas plus prudemment.

Mais on dirait qu’il a entendu mes pensées, parce que sa podorythmie énergique décélère tranquillement. Cela au profit de la guitare électrique. Il en pince maintenant les cordes imaginaires, concentré et penché sur lui-même.

Nous sommes plusieurs à l’observer d’un oeil discret, mais néanmoins amusé. Il est beau à voir ce garçon, dans son complet abandon.

Rien ni personne d’autre que lui et la musique n’existe en ce moment. Plus de réchauffement climatique, plus de guerre. Pas de corruption, d’intimidation ou d’autres injustices sociales. Seulement cette partition qui l’enveloppe comme un cocon.

C’est un peu ça, le rôle et la beauté de la musique, non? De rendre parfois le monde un peu plus beau. Ou de nous protéger de lui, le temps de quelques mesures.