Montréal hausse la «taxe de bienvenue» pour les immeubles évalués à plus de 2 M$
Le budget 2020 de la Ville de Montréal prévoit une hausse des droits de mutation, aussi appelée «taxe de bienvenue», pour les acheteurs d’immeubles évalués à plus de deux millions de dollars. Une mesure lucrative qui pourrait nuire aux nouveaux propriétaires de logements locatifs et de commerces.
L’administration de Valérie Plante n’a pas glissé mot de cette mesure lors de la présentation de son budget de 365 pages présenté lundi dernier. On la trouve à la page 137. Elle lui permettra pourtant de récolter des revenus supplémentaires de 10,4 M$ l’an prochain en droits sur les mutation immobilières.
«La Ville rate son objectif de transparence en agissant de cette façon», a réagi le président-directeur de l’Institut de développement urbain du Québec (IDU), André Boisclair. C’est en épluchant le budget de la Ville page par page la semaine passée que ce dernier a réussi à trouver cette information.
«Je suis surpris que ça ait été présenté ni à la Commission, ni aux élus, ni aux journalistes», a également déploré lundi le maire de l’arrondissement de Saint-Laurent, Alan DeSousa. Ce dernier est également vice-président de la Commission sur les finances et l’administration.
Taxe de bienvenue
Chaque fois qu’un citoyen achète une nouvelle propriété à Montréal, il doit payer une somme équivalant à un pourcentage de la valeur du logement ou de l’immeuble qu’il acquiert. Actuellement, les droits de mutation atteignent 2% de la valeur de la propriété pour la tranche de sa valeur variant 508 700$ à 1 017 400$. Ce pourcentage monte ensuite à 2,5% pour les immeubles valant plus de 1 017 400$.
L’an prochain, la Ville ajoutera une nouvelle tranche d’imposition. Ainsi, les acheteurs d’immeubles devront payer une taxe de 3% pour la partie de la valeur de leur propriété excédant 2 M$. Cette hausse s’appliquera tant aux immeubles résidentiels que commerciaux, a confirmé à Métro l’attachée de presse du comité exécutif, Laurence Houde-Roy.
«C’est davantage le multirésidentiel et le commercial qui vont être affectés par cette nouvelle mesure parce c’est là qu’on retrouve plus d’immeubles qui valent plus de 2 M$», souligne l’économiste Joanie Fontaine, de la firme JLR Solutions foncières. Cette dernière ne craint toutefois pas que les locataires paient le prix de cette nouvelle mesure, puisque les propriétaires ne paient cette taxe qu’une seule fois, soit au moment de l’achat.
«Ça va contribuer à une pression à la hausse sur les prix des logements», estime pour sa part M. Boisclair.
Dans son dernier budget, la Ville a prévu une hausse moyenne des taxes foncières de 2,1 %. Celle-ci atteint toutefois 4,5% pour les immeubles de six logements et plus, qui sont généralement dédiés au marché locatif.
«Par ses politiques inflationnistes, la Ville contribue à la hausse significative des prix dans le marché immobilier.» -André Boisclair, président-directeur de l’IDU
Contrer la spéculation
Le directeur des communications du cabinet de la mairesse de Montréal, Youssef Amane, défend cette mesure budgétaire. Par courriel, il affirme qu’en limitant la hausse moyenne des taxes foncières à l’inflation, la Ville ne bénéficie pas «des récentes hausses fulgurantes du marché immobilier» et de la croissance économique, «alors qu’elle y contribue grandement».
L’augmentation des droits de mutation permettra ainsi à la métropole d’aller chercher de nouveaux revenus «auprès des propriétaires qui profitent le plus du boom immobilier des dernières années».
«La Ville profite déjà énormément du boom immobilier», rétorque le directeur des affaires publiques de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, Hans Brouillette.
En effet, la hausse du nombre de constructions bénéficie déjà à la Ville. Cette dernière entend d’ailleurs réaliser des revenus supplémentaires de 45 M$ l’an prochain grâce à l’ajout de nouveaux immeubles.
«Cette augmentation peut contribuer à décourager la spéculation sur les plus grands ensembles immobiliers, protégeant ainsi l’abordabilité des logements et des locaux commerciaux», a par ailleurs affirmé M. Amane.
Ce dernier affirme que ces nouveaux droits de mutation n’affecteront pas les petits entrepreneurs montréalais, qui font face à de nombreux défis. La Ville a d’ailleurs prévu des mesures d’allègement fiscal pour les commerçants dans son dernier budget afin de donner un répit à ceux-ci.