Logement: Montréal planche toujours sur le «20-20-20» malgré les angles morts
L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a décelé plusieurs angles morts dans le projet de règlement d’inclusion en matière de logement de la Ville de Montréal. L’administration de Valérie Plante garde toutefois le cap sur la date d’entrée en vigueur de celui-ci alors que la crise du coronavirus vient exacerber les besoins sur le marché locatif.
L’OCPM a rendu public jeudi un volumineux rapport qui représente la conclusion d’une vaste consultation publique à laquelle ont participé plus de 1000 Montréalais de septembre à octobre dernier. Celle-ci portait sur le projet de règlement pour une métropole mixte de la Ville, dont l’entrée en vigueur est prévue en janvier 2021. Celui-ci, communément appelé «20-20-20», prévoit de réclamer aux promoteurs immobiliers d’inclure jusqu’à 20% de logements sociaux, 20% de logements familiaux et 20% de logements abordables dans leurs projets.
Exode vers la banlieue
Le rapport démontre à quel point ce règlement divise les groupes communautaires et les promoteurs immobiliers. Les premiers trouvent que ce règlement ne va pas assez loin pour faire face à la crise du logement. Les seconds brandissent pour leur part la menace d’un exode vers le banlieue des projets immobiliers ainsi qu’une augmentation du coût d’achat des unités qui ne sont assujetties à ce règlement, ce dernier risquant de faire monter la facture des promoteurs.
À cet égard, l’OCPM recommande que la Ville s’assure que l’ensemble des municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) développent une vision commune en matière d’habitation.
«On a une administration qui dit vouloir attirer les familles à Montréal, mais son règlement entraînera une diminution des mises en chantier à Montréal et une augmentation en banlieue. Cette diminution de l’offre provoquera à son tour une hausse des prix, ce qui aura pour effet d’accentuer l’exode vers la banlieue, qui est déjà important», a réagi par communiqué jeudi le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez. Ce dernier demande ainsi à la Ville de «suspendre» l’entrée en vigueur de ce règlement le temps d’avoir corrigé cette situation.
Contacté par Métro, le responsable de l’habitation à la Ville, Robert Beaudry, assure que des démarches sont en cours pour définir une telle vision commune dans la région. ll n’entend toutefois pas retarder la mise en application du règlement.
«Avec la crise sanitaire, ce règlement-là devient encore plus pertinent. Si on veut que les employés de la santé puissent se loger et que les personnes vulnérables aient accès un logement, ce règlement-là est nécessaire», soulève M. Beaudry.
«L’investissement dans le logement social va permettre cette relance [économique], qu’on souhaite plus équitable et durable pour la métropole.» – Robert Beaudry, responsable de l’habitation à la Ville
Miser sur le logement social à Montréal
L’OCPM soulève aussi un manque de clarté concernant les conditions d’admissibilité à des unités de logement abordable et familial. Ainsi, des participants à la consultation ont dit craindre que les locataires à faible revenu n’aient pas accès prioritairement aux logements dans ces catégories.
Plusieurs organismes ont aussi déploré que la Ville détermine le prix d’achat et de location des logements dits abordables en fonction du marché immobilier et non «en fonction des revenus des ménages locataires». Dans un document explicatif, la Ville prévoit que le prix plafond d’un logement abordable de deux chambres au centre-ville serait de 325 000$. Son loyer maximal serait pour sa part de 1440$.
Dans son rapport, l’OCPM propose donc à la Ville de n’appliquer dans un premier temps que la partie sur le logement social dans ce règlement, le temps de clarifier les paramètres entourant les logements abordables et familiaux. Elle propose aussi de rehausser la part des logements sociaux familiaux de trois chambres ou plus.
L’an dernier, le taux de logements familiaux disponibles sur le marché locatif du Grand Montréal a chuté à 0,7%, contre 1,5% pour l’ensemble des appartements à louer.
«Si on veut des familles et de l’espace, ça va prendre des logements plus grands. Ça, c’est clair», estime d’ailleurs M. Beaudry.